Margaret Louise Higgins nait dans une famille ouvrière d’origine irlandaise le 14 septembre 1879 à Corning, New York. Son père, Michael Higgins, un vétéran de l’Union Army américaine est employé à la Corning Glass Works. Il défend des idées socialistes et émet des critiques sur l’Église catholique. Sa mère, atteinte de tuberculose, mène néanmoins à terme onze grossesses.
Sixième de la famille, Margaret est inscrite dans une école paroissiale catholique jusqu’en 1896. Ses sœurs aînées travaillent comme domestiques, alors que ses frères occupent des emplois à la Corning Glass Works. Selon Margaret, son père a eu une influence majeure sur son éducation car il encourageait ses enfants à exprimer et débattre leurs opinions sur n’importe quel sujet.
Margaret semble douée pour les études. Attirée par la médecine, elle rêve de s’inscrire à la Cornell University. Ses deux sœurs ainées décident de l’aider financièrement pour qu’elle s’inscrive au Claverack College, une école privée pré-universitaire située à Hudson. Margaret doit quand même travailler dans les cuisines de l’école pour payer sa chambre et sa pension.
Au terme de deux ans, les ressources financières s’épuisent et Margaret quitte le collège avant l’obtention d’un diplôme. Elle s’occupe alors de sa mère malade et contracte elle aussi la tuberculose. Après le décès de sa mère, elle décide de s’inscrire dans une école qui offre une formation d’infirmière. Elle est alors admise au White Plains Hospital. Durant sa deuxième année d’étude, elle rencontre un jeune immigrant né à Berlin et qui a étudié l’architecture et l’art à New York, William Sanger. Elle se marie en 1902, quittant abruptement son cours d’infirmière.
Durant la décennie suivante, le couple a trois enfants. Margaret s’occupe de la maisonnée et soigne sa tuberculose. William Sanger joint le Parti socialiste ainsi que l’Industrial Workers of the World (IWW).
Margaret, déjà instruite des idées socialistes par son père, s’implique dans le mouvement. Elle commence à travailler à temps partiel comme infirmière auprès des femmes enceintes. La question des grossesses à répétition et des moyens de les éviter se pose à elle avec acuité.
À cette époque, l’information sur la contraception est illégale et est même considérée obscène. Sanger devient conférencière pour la section féminine du Parti socialiste et de l’IWW. C’est là qu’elle commence à introduire des questions relatives à l’éducation sexuelle et à la contraception. En 1913, elle écrit une série d’articles sur l’éducation sexuelle destinée aux enfants dans le New York Call. Ces articles seront publiés dans une brochure intitulée « What every mother should know ». À l’automne de la même année, le couple Sanger s’embarque pour l’Europe. Margaret revient s’installer à New York avec ses enfants quelques mois plus tard, en décembre 1913.
Sanger considère qu’une fertilité incontrôlée opprime les femmes de la classe ouvrière et nourrit le système capitaliste. En 1914, elle publie un journal The Woman Rebel, dans lequel elle défend l’idée du « contrôle des naissances », nouveau terme formulé par Sanger et un groupe d’amis anarchistes. Sept numéros sont publiés dont six sont saisis. Le gouvernement fédéral accuse Sanger de publier du matériel obscène. Elle cesse alors de publier le journal mais elle gagne une grande notoriété parmi les féministes et les gauchistes.
Après un nouveau séjour en Europe (malgré la guerre), elle revient aux États-Unis et entreprend une tournée du pays où elle défend à nouveau l’idée du contrôle des naissances. Elle ouvre une première clinique de consultation à New York en 1916 et en informe la presse. La clinique est fermée par la police 10 jours après son ouverture et Sanger est inculpée. Après un procès national retentissant, la cour d’appel de l’État de New York autorise les médecins à prescrire aux femmes des moyens de contraception pour des raisons de santé et non seulement pour prévenir les maladies vénériennes.
Sanger fonde en 1921 l’American Birth Control League (ABCL), une organisation vouée à promouvoir les réformes législatives, l’éducation et la recherche concernant la contraception. Cette organisation deviendra en 1942 le Centre de planning familial (Planned Parenthood). Les campagnes d’éducation de l’ABCL connaissent un grand succès et les appuis se multiplient chez les femmes de la classe moyenne ainsi que parmi les médecins et les scientifiques.
C’est ici que contrôle des naissances et, ce qu’on a appelé eugénisme négatif, se rencontrent. L’eugénisme négatif défend l’idée qu’une procréation « scientifique » pourrait prévenir les défauts physiques et mentaux dans la population en évitant de les transmettre aux générations futures par un contrôle des naissances. Cette théorie controversée a attiré autant des progressistes que des réactionnaires, des socialistes ou des partisans du Parti national-socialiste allemand. Pour Sanger, l’eugénisme était un diagnostic, le contrôle des naissances, le remède.
Margaret Sanger épouse un riche millionnaire en 1924. À la fin des années 20, on considère qu’elle a réussi à unifier le mouvement pro-contraception. En effet, activistes, politiciens et supporteurs financiers favorisaient maintenant l’accès aux moyens contraceptifs sous supervision médicale. En l’espace de 14 ans, Sanger a réussi à imposer son idéal. Elle milite dans le mouvement jusqu’à la fin de la Deuxième Guerre mondiale.
En 1951, elle invite un scientifique, Gregory Pincus, à mettre au point un contraceptif oral. C’est l’une de ses riches amies, Katharine McCormick qui subventionne les recherches. Elles aboutiront à la mise en marché en 1960 de l’Enovid, connu sous le nom de pilule anticonceptionnelle. En 1959, Gregory Pincus dédie son rapport sur les contraceptifs oraux « to Margaret Sanger with affectionate greetings – this product of her pioneering resoluteness« .
À sa mort en 1966, Margaret Sanger est considérée comme une figure majeure de la première moitié du XXe siècle.
Sources :
Katz, Esther (ed.) The selected papers of Margaret Sanger. Volume 1 : The woman rebel, 1900-1928. Urbana : University of Illinois Press, 2003.
Kennedy, David M. Birth control in America : the career of Margaret Sanger. New Haven : Yale University Press, 1970.
Wikipedia :
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