Frida Kahlo

Dans le rétroviseur – Nous soulignons cette année le cinquième anniversaire du Calendrier de l’avent du domaine public Édition québécoise en célébrant cinq figures de femmes canadiennes dont les œuvres appartenaient déjà au domaine public national avant le démarrage du projet. Nous avons également ajouté une autrice américaine et une artiste mexicaine décédée en 1954, Frida Kahlo, pour faire un clin d’œil à l’Accord commercial Canada-États-Unis-Mexique.

« Je n’ai jamais peint mes rêves, j’ai peint ma réalité propre. » — Frida Kahlo¹

Frida Kahlo, de son vrai nom Magdalena Frida Carmen Kahlo Calderón, est une artiste peintre née à Coyoacán, au Mexique, en 1907. Elle est l’auteure de plus de 150 tableaux, dont de nombreux autoportraits témoignant de ses observations du monde et de son vécu.

Considérée comme l’une des artistes les plus influentes du XX^e siècle, Frida Kahlo est également réputée pour son tempérament audacieux et téméraire. En 1928, sous les conseils de son amie Tina Modotti, elle s’engage au sein du Parti communiste mexicain et s’intéresse particulièrement aux droits et à l’émancipation des femmes dans une société encore patriarcale et sexiste. Ce qu’elle appelle avec provocation « cette masse silencieuse et soumise » occupera une grande partie de son œuvre et de sa pensée politique.

Elle s’amuse très jeune à porter des tenues réservées aux hommes, lors des séances de photographie familiale, et s’est même représentée dans un tableau avec les cheveux courts et un costume d’homme. Sa jeunesse est également marquée par la révolution mexicaine. Elle s’identifiera d’ailleurs rapidement aux bouleversements sociaux de son époque. Se qualifiant elle-même de « fille de la révolution », elle défend et prône un art indépendant et révolutionnaire. À ce titre, la plupart de ses peintures font figure de transgressions. Dès 1930, Frida Kahlo explore des thématiques encore taboues et intimes pour son époque, comme la sexualité, la fécondité ou encore l’avortement.

Accident de parcours

Victime d’un grave accident d’autobus à 18 ans lui causant de nombreuses fractures de la colonne vertébrale, des côtes et du bassin, elle doit rester immobile pendant de longs mois à l’hôpital. C’est là qu’elle commence à rédiger des lettres reflétant sa force de caractère et une rage de vivre indéfectible, malgré les diagnostics inquiétants. La tige qui lui transperça le dos jusqu’au vagin déclenche chez elle des convictions artistiques qu’elle traduira à travers des écrits intimes souvent macabres et insolites. « J’ai perdu ainsi ma virginité », confiera-t-elle avec humour².

C’est également à ce moment-là qu’elle développe un goût prononcé pour la peinture. Réduite à l’immobilité, elle produit ses premiers autoportraits la représentant dans un état de torture physique sur un fond surréaliste, comme l’interpréta André Breton. Près de son lit est placé un grand miroir lui permettant de se servir elle-même de modèle. Cette peinture-miroir reflète ainsi son intériorité, un paysage intime où elle peut s’affranchir des codes traditionnels de la peinture classique.

Une artiste anticonformiste et iconoclaste

Les éléments surréalistes et fantastiques qu’elle mobilise ne se détachent jamais de la réalité et de ses expériences personnelles. Frida Kahlo s’est toujours opposée résolument à ce que l’on catégorise sa peinture et affirme, par ce geste, sa volonté d’indépendance qui la place au rang d’iconoclaste. Rien n’est jamais laissé au hasard dans ses œuvres, chaque couleur employée y revêt une symbolique très précise. Elle utilise notamment le bleu marine pour exprimer la distance, le jaune et le vert pour désigner la folie, la tristesse et la maladie. Même le plus petit détail est empreint de symboliques marquantes.

Anticonformiste tout au long de sa vie, l’artiste n’a cessé de représenter les sujets les plus sensibles de son époque avec une sincérité frontale parfois déstabilisante. Les dernières œuvres de sa carrière expriment une nouvelle fois son combat pour l’émancipation des femmes. Elle n’hésite pas à afficher sa bisexualité qu’elle revendique publiquement.

L’ensemble de son œuvre est traversé par un regard singulier sur la condition humaine. En 1950, sur son lit d’hôpital, l’artiste peint son dernier tableau montrant une chair de pastèque de couleur vive et apparente ou figure l’inscription « Viva la vida ». Comme un pied de nez au destin, elle témoigne encore ici de son enthousiasme pour la vie.

Artiste talentueuse et emblématique, Frida Kahlo n’a cessé de revendiquer ses racines et de porter une attention particulière aux minorités de son pays, aux côtés de son mari, Diego Rivera. Son œuvre originale et engagée se démarque par une esthétique viscérale et puissante. Quant à ses écrits poétiques, ils résonnent encore aujourd’hui avec une force plus vive que jamais.

Domaine public

Au Canada, toute l’œuvre de Frida Kahlo appartiendra au domaine public dès le 1er janvier 2020.

Sources et références

• Frida Kahlo sur Wikipédia.
• Julie Crenn, « Frida Kahlo, La chair ouverte », Genre & Histoire, 2 | Printemps 2008. [lire en ligne]
• Frida Kahlo. O diario de Frida Kahlo: um auto-retrato intimo (Le journal de Frida Kahlo: un autoportrait intime), Rio de Janeiro: Éd. José Olympio. Cf. Le journal de Frida Kahlo, Édition de 1995. Paris, Ed. du Chêne.
• Charles Gardou. « Frida Kahlo: de la douleur de vivre à la fièvre de peindre », Reliance, vol. n° 18, n° 4, 2005, pp. 118-131. [lire en ligne]
• Hayden Herrera. Frida: biographie de Frida Kahlo, Paris, Éditions Anne Carrière, 1986, p.145. Voir aussi: Jamis Rauda, Frida Kahlo. Autoportrait d’une femme, Arles: Actes Sud, 1985.

1. Podcast audio en cinq épisodes: Des ailes de mouette noire : portrait en miroir de Frida Kahlo (1/5). France Culture, 2016. [lire en ligne]
2. Ibid.

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