Ida Faubert, de son vrai nom Gertrude Florentine Félicitée Ida, est née à Port-au-Prince le 14 février 1882. Fille unique du président Louis Étienne Félicité Lucius Salomon et de Florentine Félicité Potiez, elle a vécu une bonne partie de sa jeunesse au palais présidentiel. Issue d’une famille bourgeoise et cultivée, elle a été très tôt en contact avec la culture et l’art.
Suite à des bouleversements politiques qui ont fait fuir sa famille, Ida Faubert part en France en 1888 où elle continue ses études et côtoie les écrivains de son époque. Après avoir divorcé de son premier époux, Ida Faubert retourne en Haïti en 1903. Elle tombera amoureuse et épousera André Faubert. De ce mariage, elle donne naissance à deux enfants: Jacqueline, décédée très jeune, et Raoul Faubert.
Ne tenant pas compte des contraintes sociales auxquelles les femmes de son époque faisaient face, Ida Faubert entama une vie de femme libérée, ce qui posa les bases du féminisme en Haïti. Elle fréquenta les salons littéraires réservés aux hommes et attira ces derniers par sa beauté et son intelligence.
Grâce à ces fréquentations, elle a vit naître et participa à la naissance d’un grand courant littéraire nommé Génération de la Ronde. Une nouvelle génération de poètes se réunirent en cénacle afin de lutter pour une renaissance de la littérature haïtienne. Un courant littéraire prônant une littérature universelle puisant dans ce qui se fait ailleurs prit ainsi naissance:
« Il s’agissait pour eux de traduire avant tout des sentiments personnels sur un mode universel sans pour autant bannir tout ce qui serait spécifique à Haïti, comme le dit Dantès Bellegarde; l’amour déçu, la mélancolie, la mort seront les thèmes privilégiés de ces poètes. » — Anne Marty (2000)1
Etzer Vilaire, l’un des pionniers de ce mouvement, rêvait de l’avènement d’une élite haïtienne dans l’histoire littéraire de la France. En tant que membre à part entière de la Ronde, Ida nourrissait aussi ce rêve.
Ses poèmes sont aimés de ses pairs et sont publiés dans la prestigieuse revue de l’époque. Son talent ne passe pas inaperçu et, en 1913, elle reçoit le prix honorable décerné par l’Université des Annales pour son sonnet « Pierre Loti ».
Une femme libre à Paris
Voulant jouir d’une vie libérale hors de toutes les normes sociales de son époque, Ida Faubert est cependant en proie à la critique de la société. En 1914, un an avant l’occupation américaine de Haïti, elle repart en France afin d’y mener une vie libre. Elle divorce de son époux et s’installe dans un appartement de la rue Blomet, où les rythmes antillais du Bal Nègre font bouger le quartier entier tous les samedis. Elle fait la rencontre de grands artistes de l’époque et établit plus tard son propre salon.
Son amitié avec Anna de Noailles lui permet d’intégrer le milieu des écrivaines féministes lesbiennes de la Rive Gauche2. Grâce à ses poèmes, elle devient populaire et est publiée dans divers recueils, en Haïti, en France et en Italie. En 1920, ses poèmes sont choisis par Louis Morpeau pour son Anthologie haïtienne de la poésie contemporaine, ils sont aussi réunis dans le recueil Cœur des îles, publié en 1939 par les éditions René Debresse, ce qui lui vaut alors le prix Jacques Normand de la Société des Gens Lettrés.
Sous sa plume naissent des textes dits classiques, avec des inflexions romantiques. Femme talentueuse, elle s’attacha dans ses écrits à son pays d’origine en abordant des thèmes de superstition, de zombies, d’étrangeté, etc. Elle meurt en France, à Joinville-le-Pont, en 1969.
Œuvres
- Cœur des iles, préface de Jean Vignaud (poésie). Paris: éd. René Debresse, 1939.
- Sous le ciel Caraïbe, histoires d’Haïti et d’ailleurs (roman). Paris: O.L.B., 1959.
- Anthologie secrète, incluant Cœur des îles, Sous le soleil caraïbe, des photographies, présentation de Natasha Tinsley3. Montréal: Mémoire d’encrier, 2007.
Sources et références
- Christiane Chaulet Achour (dir). Dictionnaires des écrivains francophones classiques, Afrique subsaharienne, Caraïbe, Maghreb, Machrek, Océan Indien. Paris: Honoré Champion Éditeur, 2010.
- Jack Corzani. Littératures francophones, 2, Les Amériques : Haïti, Antilles-Guyane, Québec (p. 23-29). Paris: Belin, 1998.
- Jean Baptiste Mario Samedi et Philippe Couton. Exil et renouveau politique: encore un espoir pour Haïti?. Journal of Haitian Studies, vol. 19, n° 1 (Spring 2013, p. 200-216).[lire en ligne]
- Christophe Charles. « Deux célèbres pionnières: Virginie Sampeur et Ida Faubert » in: La poésie féminine haïtienne (p. 23-29). Port-au-Prince: Éditions Choucoune. 1980.
- Madeleine Gardiner. Sonate pour Ida. Port-au-Prince: Imprimerie Henri Deschamps, 1984.
- Ghislaine Gouraige. « Ida Faubert » in: Histoire de la littérature haïtienne (de l’indépendance à nos jours), p. 218-220. Port-au-Prince: Éditions de l’action sociale, 1982.
- Léon Laleau. « Ida Faubert ». Femmes Haïtiennes (p. 247-252). Port-au-Prince: Ligue Féminine d’Action Sociale, 1954.
- Jean Price-Mars. La Vocation de l’élite. Port-au-Prince: Edmond Chenet, 1919; Port-au-Prince: Ateliers Fardin, 1976; Port-au Prince: Les Éditions des Presses Nationales d’Haïti, 2001.
Notes et liens complémentaires
- Anne Marty. « La littérature haïtienne en quête d’identité », in: Haïti en littérature (p. 9-31). La Flèche du temps, 2000.
- Jean Durosier Desrivières. « Ida Faubert » in: Dictionnaires des écrivains francophones classiques, Afrique subsaharienne, Caraïbe, Maghreb, Machrek, Océan Indien. op.cit. (p. .176-179).
- Natasha Tinsley. Ida Faubert. [lire en ligne]
La photo n’est PAS du domaine public…
Voir les informations de la source – Île en île – où la photo et d’autres informations sont prises
La première publication connue de cette photo est dans le quotidien Paris-Soir, le 17/04/1939.
Effectivement, Benoît, cette publication sort en premier résultat de recherche sur le site de presse de la BNF. Mais elle n’est ni signée ni datée, malheureusement, ce qui ne nous est pas ici d’un grand secours. 😉
Cher.e éditeur.e anonyme d’Île en île, je suis au regret de mettre sérieusement en doute votre négation: cette photo ayant été prise par un auteur.e inconnu.e, dans un studio fermé depuis fort longtemps, il y a plus ou moins cent ans, EST dans le domaine public depuis belle lurette.
C’est d’ailleurs ce qu’indique clairement la source référencée plus haut (Wikimedia Commons) et c’est ce qui nous dispense a priori de toute autre précision.
Vous conviendrez, j’espère, que vous n’avez pas le monopole des informations concernant Ida Faubert. L’auteure et les réviseurs de cette notule ont bien indiqué, dans les notes et liens présentés plus haut, les sources bibliographiques fiables d’où proviennent celles que nous nous sommes respectueusement appropriées. C’est ce que nous faisons toujours.
Par égard pour le travail de mémoire auquel vous vous livrez dans votre propre site aux visées tout à fait semblables aux nôtres, j’ai ajouté quelques précisions supplémentaires ainsi qu’une seconde référence à Île en île (il y en avait déjà une) dans les métadonnées d’illustration.
Bonne année 2020. 🙂
Pour information son petit fils « Jean Faubert » qui lui a consacré un site et qui lui était tant attaché, est parti la rejoindre fin février 2019.
Il repose à ses côtés à Joinville.
C’est attristant et cela explique sans doute pourquoi il n’y a plus de sauvegarde automatique dans la Wayback Machine (plus de mises à jour?) depuis l’été 2019.
Toutes nos condoléances, Marie. Espérons que ce site ne s’éteindra pas avec son créateur.
Toutes nos condoléances à sa famille! Merci Marie pour l’information.
Jacqueline semble bien être la fille de Philippe Joseph Léonce Laraque, premier époux d’Ida, et non d’André Faubert.
Good catch, M. Willot! Le site spécialisé Île en île laisse entendre que Jacqueline serait née en 1903, après le mariage de Ida avec André Faubert. Cependant, plusieurs sources (dont le site de généalogie Geni qu’a alimenté Jean Faubert ainsi que votre propre blogue) attribuent la paternité de cet enfant à son premier époux, Philippe Laraque, et sa naissance est plutôt située en 1900. C’est son décès en bas-âge qui devrait être daté de 1903.
Je pense que l’erreur provient vraisemblablement d’une mauvaise synthèse du texte original de Natasha Tinsley, pourtant très clair, qui est accompagné ici d’une chronologie encore plus précise. Notons d’ailleurs que le mariage avec André Faubert n’aurait eu lieu qu’en 1906, près de trois mois après la naissance de leur fils Raoul.
Merci de cette précision fort pertinente et place à l’œuvre!