« Ce qui me terrorise dans cette affaire de pollution des eaux c’est que c’est l’inconscience humaine qui nous met en grand danger. C’est pourquoi il nous faut éveiller la pensée qui me dit non, non, non, je ne veux pas mettre du mazout dans la mer… Tout ce qui se rapporte à la nature, même la géologie, voulez-vous croire, (…) tout ce qui est de la nature m’intéresse, l’eau, l’air, les oiseaux, les poissons, les plantes. Tout ça m’intéresse!
La pollution des mers me préoccupe beaucoup, j’y vois un danger absolument terrorisant parce que, la mer, c’est vraiment le réservoir de la nourriture pour toute l’humanité — et à une époque où on voit des affiches et on fait des campagnes en raison de la famine qui existe dans certains pays, je trouve très curieux qu’on fasse toute cette campagne pour attirer l’attention des gens sur le fait qu’il y en a qui meurent de faim, alors que, par inconscience, on finira par tuer tous les poissons qui sont dans la mer et tout le monde mourra de faim…
Parce que, comme les poissons, une fois que l’espèce (…) s’est éteinte et a disparu, elle ne se recrée pas d’elle même. Elle a été créée par la nature, par toutes sortes de miracles extraordinaires absolument et totalement incompréhensibles, du reste, mais ils sont là, les poissons… Et le jour où l’étendue des océans sera recouverte d’une pellicule de mazout, (…) ça sera abominable. » — Louise de Vilmorin (1967)1
Voici comment Louise de Vilmorin, issue d’une célèbre famille de botanistes et de grainetiers, exprimait à un journaliste, à l’âge de 67 ans — plus de 10 ans avant le naufrage sur les côtes de Bretagne du supertanker Amoco Cadix — son angoisse de mère et de grand-mère vis-à-vis de la destruction inconsidérée du vivant. Elle avait visiblement réussi à garder intacte sa sensibilité et son émerveillement enfantin, mais aussi son cœur et son indignation.
Sa rare indépendance financière et sa liberté de pensée et d’agir2 séduisirent, à l’époque, nombre de ses lectrices.
Prise d’un malaise, elle meurt le 26 décembre 1969 dans son château familial de Verrières-le-Buisson où André Malraux, sa dernière liaison amoureuse l’avait rejointe. Elle y repose sous un cerisier, pour que « des enfants viennent y rire et manger des cerises », comme elle l’avait souhaité.
Domaine public
L’ensemble des œuvres (romans, poèmes, essais, scénarii, correspondance…) de Louise de Vilmorin s’élèveront dans le domaine public canadien dès le 1er janvier 2020.
Liste complète
- Voir Wikipedia
Notes et liens complémentaires
- Extrait d’une entrevue non-identifiée tournée en 1967 (via DailyMotion). [visionner en ligne]
- Pour en savoir plus sur sa vie privée tumultueuse, ses nombreux amants et maris illustres, voir Louise de Vilmorin, ombres et lumières d’une femme de lettre, par Joëlle Chevé, dans Point de vue (14/10/2019).
- Le dernier, Le Lutin sauvage, ne sera publié qu’en 1971 à titre posthume.
- La sotie, ou sottie, désigne une pièce satirique à caractère politique ou d’actualité telle qu’il s’en est joué à Paris depuis le Moyen-Âge. Plus de détails dans Wikipédia.
Illustration
- Timbre à l’effigie de Louise de Vilmorin. Verrières-le-Buisson: le timbre « Louise de Vilmorin » s’arrache. Le Parisien, 8 février 2019. © La Poste 2019 (République française). Utilisation équitable
- Scène du film Madame de... réalisé par Max Ophüls et sorti en 1953. Domaine public (via Wikimedia Commons).
- Jean-Pierre Dalbéra sur Flickr. La tombe de Louise de Vilmorin (Verrières-le-Buisson). Licence: CC-BY.
1 thought on “Louise de Vilmorin”
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J’ai récemment découvert la poésie de Louise de Vilmorin et j’ai tout de suite été séduit par cette voix singulière et hors du temps:
A la fois ancrée dans la modernité et dans la tradition (baroque, classique et romantique), sa poésie est tout à fait magique et hors mode, tour à tour pleine d’un romantisme ardent et d’un humour absurde ou enjoué. Malheureusement très sous-estimée par la critique et moins célèbre que des auteurs de moindre valeur, Louise de Vilmorin incarne à mes yeux la quintessence de la poésie féminine.