Des courbes, un triangle, une surface, que l’on appelle aussi le « tapis », et un espace portent son nom. Les courbes, le triangle et la surface sont des figures géométriques exotiques avec des propriétés étranges qui font aujourd’hui partie de ce qu’on appelle des « fractals ». Elles ont été construites pour mettre en lumière des phénomènes géométriques qui choquent nos intuitions et pour mieux comprendre la nature de certains objets mathématiques fondamentaux. Pour ce qui est de l’espace qui porte son nom – un espace très simple -, il occupe une place centrale dans les fondements des mathématiques.
Que le nom d’un seul et même mathématicien soit associé à autant d’objets mathématiques témoigne de sa place dans l’histoire des mathématiques du 20e siècle. C’est déjà en soi remarquable et suffisant pour qu’on parle de lui, mais ce serait oublier que l’homme a également été un acteur important dans la communauté intellectuelle de son pays et de l’Europe en général. Il a marqué là aussi le développement des mathématiques par sa vision et son influence.
Notes biographiques
Wacław Sierpiński1 est né le 14 mars 1882 à Varsovie, alors que la Pologne était sous domination russe. Il entra à l’Université de Varsovie, alors appelée l’Université du Tsar et où l’enseignement se déroulait exclusivement en russe et où les professeurs étaient tous russes, en 1899 pour y étudier les mathématiques et la physique. Il y remporta une médaille d’or lors d’un concours en 1903 pour un travail en théorie des nombres. Ce travail, qui devait être publié dans le journal de l’Université en russe, ne parut qu’en 1907, car Sierpiński refusa qu’il paraisse dans cette langue.
Après avoir obtenu son diplôme en 1904, Sierpiński se déplaça à Cracovie pour y faire son doctorat, qu’il obtint en 1908. Il fut alors embauché par l’Université de Lvov, aujourd’hui Lviv en Ukraine de l’Est, et il garda ce poste jusqu’en 1919, bien qu’il ait été retenu en Russie, plus précisément à Moscou, durant la Première Guerre mondiale. En 1909, Sierpiński donna le premier cours jamais donné en théorie des ensembles et il travailla toute sa vie dans le domaine, publiant de nombreux livres et articles sur le sujet.
À partir de 1919 et jusqu’à la fin de sa vie, Sierpiński fut professeur à l’Université de Varsovie. Il a été extraordinairement prolifique toute sa vie: il a publié 50 livres et plus de 700 articles. Deux de ses livres ont été traduits en anglais par Cecilia Krieger, la première Canadienne à qui ont a décerné un doctorat en mathématiques au Canada en 1930 et la troisième femme canadienne à recevoir un tel honneur, toutes disciplines confondues.
Sierpiński a directement contribué à orienter le développement des mathématiques en Pologne entre les deux guerres mondiales, en privilégiant la logique, la théorie des ensembles et la topologie — trois disciplines naissantes, à l’époque. Grâce à sa vision et à son influence, on peut aujourd’hui parler d’une école polonaise de mathématiques et de logique qui s’est mise en place durant cette période. Le passage des Allemands de 1939 à 1944 anéantit toutefois ce qu’il avait érigé avec ses compatriotes.
Sierpiński fut le témoin impuissant de la disparition de nombreux collègues, les plus chanceux ayant réussi à quitter le pays avant l’horreur, d’autres victimes de la Shoah. Il vit sa bibliothèque et sa correspondance personnelle brûlées par les nazis. La bibliothèque de l’Université de Varsovie et les bibliothèques de ses collègues professeurs subirent le même sort.
Wacław Sierpiński a poursuivi sa carrière à l’Université de Varsovie jusqu’en 1960. Il s’est éteint en 1969.
Domaine public
- Sierpiński, W., 1974-1976, Oeuvres choisies, Éditions scientifiques de Pologne, Varsovie, 3 volumes.
Bibliographie
- Wolenski, J., 2011, L’École de Lvov-Varsovie: Philosophie et logique en Pologne (1895-1939), A. C. Zielinska, trad., Paris: Vrin, 283 p.
Notes et liens complémentaires
Illustration
- Wacław Sierpiński en 1928. Création numérique: Jean-Pierre Marquis (CC BY-SA 4.0).
- Wacław Sierpiński en 1928. Wikimedia Commons (domaine public).