Anna Andreïevna Gorenko, qui deviendra célèbre sous son nom de plume, naît à Odessa (alors dans l’empire russe, aujourd’hui en Ukraine), le 23 juin 1889. Issue d’une famille aisée, Anna poursuit des études en droit qu’elle abandonne rapidement afin de se consacrer à des études littéraires. La littérature et la poésie sont des passions qu’elle entretient depuis l’enfance. De ces premiers poèmes, qu’elle commence à écrire dès l’âge de 11 ans et dont certains seront publiés alors qu’elle est à peine sortie de l’adolescence, il ne reste rien. C’est à cette époque qu’elle prend pour pseudonyme le nom de famille de sa grand-mère, Akhmatova — son père estimant qu’une telle activité nuit à la respectabilité de sa famille.
En 1903, elle fait la rencontre d’un jeune poète, Nikolaï Goumilev, qui l’encourage à persévérer et lui fait une cour assidue. Goumilev est à l’origine de l’acméisme (du grec: pointe, apogée), un mouvement poétique russe très influent dans les années 1910. À l’opposé du symbolisme, l’acméisme cherche à se rendre accessible en préconisant un langage simple et en célébrant la dimension poétique du quotidien. Anna finit par l’épouser en 1910. Le couple aura un fils, Lev Goumilev, qui deviendra ethnologue et sera l’un des historiens russes les plus influents du XXe siècle. C’est au cours de son voyage de noces qu’Anna fait la connaissance du peintre Modigliani, qui fera d’elle plusieurs portraits.
Stimulée par le foisonnement d’idées nouvelles, alors que se prépare la révolution russe, Anne est à la recherche de nouvelles techniques d’écriture. Elle puise son inspiration chez Pouchkine, Verlaine et le jeune Maïakovski. Le soir, son premier recueil de poèmes, publié en 1912, connaît un grand succès et fait d’elle une célébrité. Elle se lie d’amitié avec de nombreux artistes et entretient des liaisons avec certains d’entre eux.
C’est cependant au cours d’une période plus sombre de sa vie qu’Anna Akhmatova développe son propre style, une économie de mots et d’émotion, qui pourtant traduit une réalité difficile. Cette période qui suit la révolution de 1917 est d’autant plus dure pour celle qui incarne, aux yeux du pouvoir, la bourgeoisie et ses préoccupations frivoles.
Une voix me vint. Elle appelait, consolante.
Elle disait: « Viens ici,
Laisse ton pays sourd et pécheur
Laisse la Russie pour toujours.
Je laverai le sang de tes mains
J’enlèverai de ton cœur la honte noire
Je couvrirai d’un nom nouveau
La douleur des défaites et des humiliations.
Mais, indifférente et tranquille
De mes deux mains, je me suis bouché les oreilles
Pour que ce discours indigne
Ne souille pas mon esprit endeuillé.► in Celle qui est restée, 1917
Victime des purges sous le régime stalinien, Goumilev, dont elle a divorcé quelques années plus tôt, est exécuté en 1921. Malgré la censure, les privations et les déportations de son fils et d’un de ses amants, Nikolay Pounine, Anna choisit de ne pas quitter son pays et de témoigner de la difficulté de vivre et d’écrire sous le stalinisme. Interdite de publication, elle traduit des œuvres étrangères pour survivre. De ces années sombres sont nées des œuvres parmi les plus marquantes comme Requiem (écrit de 1935 à 1940) et Poème sans héros (écrit de 1940 à 1965).
La deuxième guerre mondiale, qui encourage la diffusion d’œuvres à caractère patriotique, permet à Anna de retrouver, quelque peu, une vie professionnelle. Certains de ces poèmes et témoignages, notamment, le siège de Léningrad, sont à nouveau publiés. Cependant, dès la fin de la guerre, elle est radiée de l’Union des écrivains soviétiques en raison de son manque d’engagement politique et de ses écrits érotiques. Ses œuvres reprennent alors le chemin de la clandestinité. Anna ira même jusqu’à rédiger des poèmes à la gloire de Staline, en 1950, afin d’obtenir la libération de son fils qui avait été sorti du goulag pour aller faire la guerre, puis arrêté et condamné aux travaux forcés quelques années après.
Ce n’est qu’après la mort de Staline, en 1953, qu’Anna Akhmatova est réhabilitée. Elle travaille à la publication de plusieurs poèmes qui ont été composés quelques années plus tôt afin de rendre hommage aux victimes du stalinisme. Ces publications sont censurées ou tout simplement interdites, comme Requiem.
En 1964, elle est autorisée à sortir d’URSS pour recevoir un prix de poésie, à Taormine, en Italie. La même année, l’université d’Oxford la fait docteur honoris causa. Emportée par une crise cardiaque à l’âge de 76 ans, le 5 mars 1966, elle n’aura pas vu la publication intégrale de son oeuvre, en 1986, à Moscou.
Publications originales
Vecher (Le soir), 1912
Chetki (Le rosaire), 1914-1923
Belaya Staya (Foule blanche), 1917
Podorozhnik (Le plantain), 1921
Anno Domini MCMXXI, 1921
Iz šesti knig (Des six livres), 1940 (approuvée par Staline, puis détruit après quelques mois)
Izbrannoe Stikhi (Poèmes choisis), 1943 (publication éditée par la censure)
Stikhotvoreniya (Poèmes), 1958
Stikhotvoreniya 1909–1960 (Poèmes: 1909–1960), 1961
Requiem, 1963 (publié en Allemagne)
Beg vremeni (La fuite du temps), 1965
Compilations posthumes et traductions
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Wikipédia
Sources diverses
- Poetry Foundation – Anna Akhmatova (archive)
- Academy of American Poets – Anna Akhmatova (archive)
- Poetry Lovers Page – Collection of poems by Anna Akhmatova (archive)
- Loxias – Le Poème sans héros d’Anna Akhmatova à la lumière de la tradition épique russe et face au poèma romantique, par Anna Lushenkova (archive)
- L’Humanité – Anna Akhmatova, l’endurante, par Alain Freixe, 6 août 2015 (archive)
- Video: Похороны Ахматовой | Anna Akhmatova Funeral:
https://www.youtube.com/watch?v=P4fsKbuaW_c
Merci pour ce vidéo qui suscite grandement mon intérêt . Je découvre cette poétesse, sa poésie me rejoint .
Merci, Michelle, d’avoir pris le temps de témoigner votre intérêt. Ce projet est aussi passionnant pour ceux qui y contribuent. Josée Plamondon
Merci pour cette publication, et pour votre attention à mon travail. Anna Akhmatova est l’une des figures magistrales de la poésie russe, et son oeuvre est d’une grande richesse, à la fois majestueuse et intime.
Merci à vous, Anna, pour nous permettre de découvrir et d’apprécier cette grande dame de la culture russe et des vers qui résonnent toujours d’actualité. Ce fut un réel plaisir de rechercher et sélectionner des références. Josée Plamondon