Daniel Johnson (1915-1968), avocat, dĂ©putĂ©, ministre, chef de lâUnion nationale, chef de lâopposition officielle, premier ministre du QuĂ©bec. Il naĂźt Ă Danville dans la rĂ©gion quĂ©bĂ©coise de lâEstrie. Sa mĂšre Marie-AdĂ©line Daniel, dĂ©cĂšde en 1936 de la tuberculose. Son pĂšre, Francis Johnson, est journalier.
Bien quâissus dâun milieu modeste, Daniel et ses trois frĂšres font de brillantes Ă©tudes supĂ©rieures. RĂ©ginald fera une carriĂšre de cardiologue, Maurice sera juge et Jacques professeur de sociologie. Daniel lui hĂ©site entre la prĂȘtrise et le droit, mais choisit finalement cette derniĂšre vocation. Il fait donc ses Ă©tudes de droit Ă lâUniversitĂ© de MontrĂ©al (1937-1940) aprĂšs ses Ă©tudes classiques au SĂ©minaire de Saint-Hyacinthe (1928-1935) et ses Ă©tudes primaires chez les FrĂšres du SacrĂ©-CĆur de Danville (1922-1928). Il prend une part active dans la vie Ă©tudiante : il Ă©crit dans Le Quartier Latin 1, prĂ©side lâAssociation gĂ©nĂ©rale des Ă©tudiants de lâUniversitĂ© de MontrĂ©al et la FĂ©dĂ©ration canadienne des Ă©tudiants catholiques.
Il est admis au Barreau du QuĂ©bec le 20 juillet 1940 et exerce son mĂ©tier Ă partir de MontrĂ©al avec diffĂ©rents associĂ©s. Durant sa carriĂšre, il agit Ă titre de conseiller juridique auprĂšs de plusieurs associations et syndicats : le Conseil central de MontrĂ©al, la ConfĂ©dĂ©ration des travailleurs catholiques du Canada, lâAssociation des hĂŽteliers du QuĂ©bec, la Chambre de commerce des jeunes du QuĂ©bec et du Canada, etc.
Daniel Johnson a 28 ans lorsquâil Ă©pouse Reine GagnĂ© (1919-1994), le 2 octobre 1943, dans la paroisse Notre-Dame-de-GrĂące de MontrĂ©al. Le couple aura quatre enfants : Daniel, Pierre Marc, Diane et Marie.
ĂgalitĂ© ou indĂ©pendance
Câest dans la deuxiĂšme moitiĂ© des annĂ©es 1940, peu aprĂšs la fin de la DeuxiĂšme Guerre mondiale, quâil fait le saut en politique. Ă sept reprises, de 1946 Ă 1966, les Ă©lecteurs et les Ă©lectrices de la circonscription de Bagot lâĂ©lisent dĂ©putĂ© de lâAssemblĂ©e lĂ©gislative du QuĂ©bec sous la banniĂšre de lâUnion nationale. Pendant quelque dix ans, il est un parlementaire loyal au chef de lâUnion nationale, Maurice Duplessis. Sa loyautĂ© est rĂ©compensĂ©e en 1955 par un poste dâadjoint parlementaire au prĂ©sident du Conseil exĂ©cutif et trois ans plus tard, en 1958, par lâoctroi du portefeuille du ministĂšre des Ressources hydrauliques.
Le dĂ©cĂšs du premier ministre Maurice Duplessis en 1959, suivi rapidement du dĂ©cĂšs de son successeur Paul SauvĂ© en 1960, conduisent Antonio Barrette, dĂ©putĂ© de Joliette et ministre du Travail, au poste de premier ministre du QuĂ©bec et Ă celui de chef de lâUnion nationale. Quelque six mois plus tard, Ă lâĂ©tĂ© 1960, lâUnion nationale de Barrette est Ă©jectĂ©e du pouvoir Ă QuĂ©bec lors dâĂ©lections gĂ©nĂ©rales aujourdâhui mythiques qui favorisent les libĂ©raux de Jean Lesage. Tout comme son chef Antonio Barrette, Daniel Johnson conserve son siĂšge de dĂ©putĂ© et se retrouve dans lâopposition. Cependant, quelques mois plus tard, en septembre 1960, Antonio Barrette dĂ©missionne comme dĂ©putĂ© et comme chef de lâUnion nationale.
Un an plus tard, en septembre 1961, Daniel Johnson remporte la course Ă la direction de son parti contre Jean-Jaques Bertrand, dĂ©putĂ© de Missisquoi, qui a Ă©tĂ© plusieurs fois ministre dans les cabinets de Duplessis, SauvĂ© et Barrette. MĂȘme sâil est dĂ©fait lors de lâĂ©lection rĂ©fĂ©rendaire de 1962 sur la nationalisation de lâĂ©lectricitĂ© au QuĂ©bec, il reste en poste et, aprĂšs quelques annĂ©es dans lâopposition, parvient Ă sâemparer du pouvoir provincial lors des Ă©lections gĂ©nĂ©rales de lâĂ©tĂ© 1966.
Un peu plus dâun an auparavant, en mars 1965, il publiait le livre ĂgalitĂ© ou indĂ©pendance, qui synthĂ©tise la position de lâUnion nationale sur les questions constitutionnelles, en particulier celle du statut politique de lâĂtat du QuĂ©bec, fĂ©dĂ©rĂ© au sein du Canada depuis 1867. Daniel Johnson et son parti reconnaissent quâil existe au Canada deux nations, au sens sociologique du terme, qui se distinguent par leur langue et leur culture, et qui doivent ĂȘtre Ă©gales «en droit et en fait» dans la constitution politique de lâĂtat fĂ©dĂ©ral canadien. Dans le contexte de la dĂ©colonisation de lâaprĂšs-DeuxiĂšme Guerre mondiale, lâautodĂ©termination des peuples est un principe fortement affirmĂ© sur la scĂšne internationale et les QuĂ©bĂ©cois doivent ĂȘtre libres de sâĂ©panouir pleinement dans le cadre canadien ou hors de celui-ci si nĂ©cessaire. Câest lâinauguration de la stratĂ©gie constitutionnelle 2 qui utilise la menace de lâindĂ©pendance du QuĂ©bec comme arme de nĂ©gociation face au Canada anglophone.
Rapport de force
En 1967, Daniel Johnson invite le prĂ©sident Charles de Gaulle Ă visiter Expo 67, lâExposition universelle qui se tient Ă MontrĂ©al Ă lâinitiative du maire Jean Drapeau, et qui coĂŻncide avec le centenaire de la fĂ©dĂ©ration canadienne et la montĂ©e, au QuĂ©bec, du mouvement indĂ©pendantiste contemporain. Sâil nâa certainement pas prĂ©vu que le gĂ©nĂ©ral de Gaulle irait aussi loin dans ses dĂ©clarations publiques de juillet 1967, en particulier le cĂ©lĂšbre discours de lâhĂŽtel de ville de MontrĂ©al, Johnson ne pouvait quâen tirer bĂ©nĂ©fice politiquement, lui qui cherchait Ă Ă©tablir un rapport de force avec le Canada pour provoquer une importante rĂ©forme constitutionnelle.
On peut se faire une idĂ©e de la vision du Canada de demain quâavait alors le QuĂ©bec en lisant lâallocution dâouverture du premier ministre Daniel Johnson Ă la confĂ©rence constitutionnelle de novembre 1967 3. On trouve une analyse plus dĂ©taillĂ©e de cette vision dans la section consacrĂ©e au gouvernement de Daniel Johnson pĂšre du document officiel 4 intitulĂ© Positions du QuĂ©bec dans les domaines constitutionnel et intergouvernemental de 1936 Ă mars 2001.
Daniel Johnson meurt en fonction le 26 septembre 1968, Ă lâĂąge de 53 ans, alors quâil se trouve au barrage hydroĂ©lectrique Manic-5 sur le point dâĂȘtre inaugurĂ©. Il est dĂ©cĂ©dĂ© dâune crise cardiaque au cours de la nuit. Le barrage, qui devait ĂȘtre nommĂ© « barrage Duplessis », sera finalement nommĂ© «barrage Daniel-Johnson» en 1969.
Sa mort inattendue sĂšme la consternation parmi la population et une thĂ©orie du complot, qui Ă©voque un assassinat par empoisonnement afin de stopper celui qu sâapprĂȘtait Ă rĂ©aliser lâindĂ©pendance du QuĂ©bec, trouve des adeptes encore aujourdâhui.
Daniel ne sera pas le dernier Johnson Ă marquer lâhistoire politique quĂ©bĂ©coise et canadienne : son fils Pierre Marc, du Parti quĂ©bĂ©cois, sera comme lui premier ministre du QuĂ©bec en 1985, et son autre fils, Daniel, du Parti libĂ©ral du QuĂ©bec, le sera Ă©galement en 1994.
Domaine public
Daniel Johnson a signĂ© plusieurs articles parus notamment dans Le Quartier Latin et La Patrie. Plusieurs de ses allocutions et discours politiques sont publiĂ©s. Comme auteur, il est surtout associĂ© Ă lâessai intitulĂ© ĂgalitĂ© ou indĂ©pendance 5 (MontrĂ©al, 1965 et Paris, 1968).
Sources et références
Ouvrages
- Benoßt Gignac, Le destin Johnson : une famille, trois premiers ministres (Stanké, 2007)
- Jean Loiselle, Daniel Johnson : le QuĂ©bec dâabord (VLB, 1999)
- Robert Comeau et al. (dir.), Daniel Johnson : rĂȘve dâĂ©galitĂ© et projet dâindĂ©pendance (PUQ, 1991)
- Albert Gervais, Daniel Johnson (Lidec, 1984)
- Pierre Godin, Daniel Johnson (De lâHomme, 1980)
- Paul Gros dâAillon, Daniel Johnson : lâĂ©galitĂ© avant lâindĂ©pendance (StankĂ©, 1979)
- Jean-Louis Laporte, Daniel Johnson, cet inconnu (Beauchemin, 1968)
Articles
- S. A., « Daniel Johnson (pĂšre) (1915-1968) », site de lâAssemblĂ©e nationale du QuĂ©bec, avril 2009.
- Claude Bélanger, « Daniel Johnson », Quebec History, Marianopolis College, 2003.
- Collectif, « Daniel Johnson (pÚre) », Wikipédia, consulté le 16 décembre 2018.
- S. A., « Daniel Johnson (1915-1968) Homme politique », Bilan du siÚcle, Université de Sherbrooke.
- Jean-François Nadeau, « Daniel Johnson, ni lâĂ©galitĂ© ni lâindĂ©pendance », Le Devoir, 26 septembre 2018.
- Daniel Latouche, « Daniel Johnson (pĂšre) », LâEncyclopĂ©die canadienne / The Canadian Encyclopedia, 18 fĂ©vrier 2008 (mĂ j le 1er avril 2015 par Nicolas Harvey).
- Le Courrier, « 50e anniversaire du décÚs de Daniel Johnson. Des funérailles mémorables à Saint-Pie », Le Courrier de Saint-Hyacinthe, 27 septembre 2018.
- Pierre Godin, « Daniel Johnson ou lâambivalence quĂ©bĂ©coise », Cap-aux-Diamants, numĂ©ro 35, automne 1993, p. 50â53.
- Ăric BĂ©langer, « « ĂgalitĂ© ou indĂ©pendance ». LâĂ©mergence de la menace de lâindĂ©pendance politique comme stratĂ©gie constitutionnelle du QuĂ©bec », Globe. Revue internationale dâĂ©tudes quĂ©bĂ©coises, volume 2, numĂ©ro 1, 1999, p. 117â138.
Audiovisuel
- Ăric BĂ©dard (invitĂ©) et Jacques Beauchamp (animateur), « Daniel Johnson, un politicien au destin inachevĂ© », Ă lâĂ©mission de radio Aujourdâhui lâhistoire, Radio-Canada, 23 mai 2016.
- Jean-Claude Marion, Le dĂ©putĂ© de Bagot : Daniel Johnson, MontrĂ©al, CinĂ© FĂȘte, 2002, 48 min.
- John Kramer, Les Johnson, ONF, 1980, 58 min.
- « Les derniÚres heures de Daniel Johnson avant sa mort », Radio-Canada PremiÚre, 25 septembre 1968, 9 min.
- « Le dĂ©bat Daniel Johnson â Jean Lesage », Les Archives de Radio-Canada, 12 novembre 2008, 15 min. (extrait de lâĂ©mission de tĂ©lĂ© diffusĂ©e Ă Radio-Canada, le 11 novembre 1962.)
Notes et liens complémentaires
- Le Quartier Latin (BAnQ).
- Ăric BĂ©langer. « ĂgalitĂ© ou indĂ©pendance ». LâĂ©mergence de la menace de lâindĂ©pendance politique comme stratĂ©gie constitutionnelle du QuĂ©bec. Revue Globe, Volume 2, NumĂ©ro 1, 1999.
- Allocution dâouverture du premier ministre du QuĂ©bec, M. Daniel Johnson, Ă la ConfĂ©rence sur la « ConfĂ©dĂ©ration de demain », Toronto, lundi le 27 novembre 1967. BAnQ numĂ©rique.
- Positions du Québec dans les domaines constitutionnel et intergouvernemental de 1936 à mars 2001. Secrétariat du Québec aux relations canadiennes. Téléchargement (PDF, 306 Ko).
- Voir ĂgalitĂ© ou indĂ©pendance. La BibliothĂšque indĂ©pendantiste.
Illustration
- Buste de Daniel Johnson (pÚre). Bronze réalisé par Paul Lancz. Photo: Jean Gagnon (2012). Licence: Creative Commons BY-SA.
- Cérémonie d'ouverture de l'Expo 67. De gauche à droite: Lester B. Pearson, premier ministre du Canada; Roland Michener, gouverneur-général; Daniel Johnson, premier ministre du Québec; Jean Drapeau, maire de Montréal. BibliothÚque et Archives Canada (domaine public).