« Pour traduire par des mots lâhorreur de la condition juive durant la guerre, il me fallait faire Ćuvre de littĂ©rature. Le pas a Ă©tĂ© difficile Ă franchir. »
Anna Langfus,  est une auteure de langue française d’origine polonaise et une rĂ©sistante, nĂ©e le 2 janvier 1920 Ă Lublin, en Pologne. Elle et dĂ©cĂ©dĂ©e le 12 mai 1966 Ă Paris.
Son oeuvre occupe une place singuliĂšre dans ce quâon appelle la littĂ©rature de la Shoah. Elle est une des premiĂšres Ă raconter lâHolocauste et Ă donner une voix Ă lâindicible. Certains la dĂ©signent comme  âromanciĂšreâ, mais son Ă©criture est si intimement liĂ©e Ă sa vie que lâon ne peut qu’hĂ©siter. Et la Shoah est-elle un sujet qui peut se prĂȘter une transfiguration romanesque ? Son engagement littĂ©raire est une exploration de ces limites et de ces questions.
Anna Regina Szternfinkiel vient au monde dans une famille juive aisĂ©e le 2 janvier 1920. Son pĂšre Moshe Szternfinkiel, commerçant et courtier en cĂ©rĂ©ales, et sa mĂšre Maria Wajnberg vivent Ă Lublin, Ă l’est de l’actuelle Pologne.
Elle se marie Ă Â lâĂąge de 18 ans avec un ami, Jakub Rajs. Ensemble, ils partent et entreprennent des Ă©tudes d’ingĂ©nieur Ă l’Ăcole des textiles de Verviers en Belgique. De retour Ă lâĂ©tĂ© 1939 pour les vacances, la guerre Ă©clate et leur existence bascule.
Pendant lâOccupation, ils vivent dâabord avec leur parents dans le ghetto de Lublin, avant de rejoindre celui de Varsovie. Du ghetto de Varsovie, ils sâenfuient dans la partie aryenne de la ville oĂč ils participent Ă la rĂ©sistance. CapturĂ©e par la Gestapo, torturĂ©e, elle Ă©chappe de justesse Ă lâexĂ©cution et elle est envoyĂ© dans une prison Ă Plonsk. Son mari est exĂ©cutĂ©. Elle perd la plupart des membres de sa familles durant la DeuxiĂšme Guerre mondiale. Elle est libĂ©rĂ©e en 1945 avec lâarrivĂ©e des Russes.
Réfugiée en France aprÚs la guerre et naturalisée en 1959,  elle devient auteure et dramaturge.
Ă la suite dâun cours dâĂ©criture dramatique, elle Ă©crit Les LĂ©preux qui est la premiĂšre piĂšce de thĂ©Ăątre en langue française sur lâholocauste. JouĂ©e en 1956, celle-ci ne sera jamais publiĂ©e. La thĂ©matique de la Shoah est rĂ©currente dans son oeuvre et lui mĂ©rite une reconnaissance considĂ©rable sur le sujet en langue française.
Elle est notamment rĂ©compensĂ©e par le prix Charles Veillon pour Le Sel et le soufre, paru en 1960. Dans ce rĂ©cit, elle refait le chemin quâelle a parcouru pendant la guerre.
Dans Les bagages de sable, elle fait le rĂ©cit laconique et sans artifice de l’existance d’une survivante des camps de concentration, comme le fut elle-mĂȘme, une condamnĂ©e Ă vivre. En 1962, elle devient la quatriĂšme femme Ă obtenir le le prix Goncourt pour ce deuxiĂšme roman.
Anna Langfus est Ă©galement l’auteur d’une dizaine de piĂšces de thĂ©Ăątre ou radiophoniques et de nouvelles. Elle meurt d’une crise cardiaque en 1966, Ă l’Ăąge de 46 ans, alors qu’elle travaillait Ă la rĂ©daction d’une quatriĂšme nouvelle.
Dans les Jewish Women Archives, Madeleine Cottenet-Hage décrit son projet littéraire en ces termes :
Les personnages de Langfus font lâexpĂ©rience du prĂ©sent ou de ce ” temps aprĂšs l’Holocauste” comme une sĂ©rie de fragments qui ne peuvent pas, et ne doivent pas, ĂȘtre reliĂ©s de peur que les souvenirs ne se perdent. Pourtant, le devoir de tĂ©moigner nâattĂ©nue pas la culpabilitĂ© des survivants d’avoir survĂ©cu, pas plus quâil ne leur inculque la volontĂ© de vivre. Ainsi la perte de dĂ©sir et le dĂ©sir de la perte qui habitent les personnage, la retraite de la vie, finissent  par modeler les rĂ©cits de Langfus. L’Ă©criture Ă la fin, ne semble pas lui avoir permis dâĂ©chapper Ă la reconstitution du scĂ©nario de la mort marquĂ©e dans sa mĂ©moire. Au bout du compte, le tĂ©moin sombre sous le fardeau de son tĂ©moignage. Mais Les Bagages de sable et, Ă©ventuellement, Le Sel et le soufre figurent parmi les rares romans oĂč l’expĂ©rience dĂ©chirante de l’Holocauste a Ă©tĂ© façonnĂ©e avec succĂšs par le biais de la forme artistique.
En dĂ©pit des prix prestigieux et des traductions en plusieurs langues, son oeuvre semblent tomber peu Ă peu dans lâoubli. Une bibliothĂšque Ă Sarcelles, en France, oĂč elle a vĂ©cu, porte son nom et continue de prĂ©server sa mĂ©moire.
Théùtre
- 1956 : Les Lépreux,  mise en scÚne par Sacha Pitoëff
- 1959 : LâHomme clandestin (piĂšce non publiĂ©e),  mise en scĂšne par Daniel Posta
- 1961 : La Récompense (piÚce non publiée), mise en scÚne par Jean Mercure
- 1963 : Amos ou les fausses expériences (piÚce non publiée), mise en scÚne par Marcelle Dambremont
Romans
- 1960 : Le Sel et le Soufre â Prix Charles Veillon
- 1962 : Les Bagages de sable â Prix Goncourt
- 1965 : Saute, Barbara â adaptĂ© au cinĂ©ma sous le titre Pour un sourire en 1970
PiĂšces radiophoniques
- 1965 : Le Dernier témoin
Autres textes
- 1963 :L’usage de la parole (avec Ralph Feigelzon)
- 1965 : Chopin (ouvrage collectif)
Sources
- Time Magazine: Friday, Jan. 31, 1964. http://content.time.com/time/magazine/article/0,9171,897138,00.html
- Anna Langfus. OĆrodek Brama Grodzka – Teatr NN. http://tnn.pl/Anna_Langfus_Anna_Langfus_%28Anna-Regina_Szternfinkiel%29_,2996.html
- HervĂ© Bel, 25 janvier 2014, âLes EnsablĂ©s – “Le sel et le soufre” d’Anna Langfus (1920-1966), l’holocauste, sujet de roman?â, ActualittĂ©. https://www.actualitte.com/article/livres/les-ensables-le-sel-et-le-soufre-d-anna-langfus-1920-1966-l-holocauste-sujet-de-roman/61160
- Jean-Yves Potel, La Pologne d’Anna Langfus, dans Bulletin du Centre de recherche français Ă JĂ©rusalem, 2011. https://bcrfj.revues.org/6583
- Madeleine Cottenet-Hage, “Anna Langfus, 1020-1966“, Encyclopedia, Jewish Women Archives.
- Joë Friedemann, Langages du désastre: Robert Antelme, Anna Langfus, André Schwarz-Bart, Jorge Semprun, Elie Wiesel, Librairie Nizet, novembre 2007, 174 p. ISBN 978-2-7078-1296-4
- Jean-Yves Potel, Les disparitions d’Anna Langfus, Les Ă©ditions Noir sur blanc, 2014, 309 p.
- Myriam Ruszniewski-Dahan. Romanciers de la Shoah, Editions LâHarmattan, Paris 1999.
Wikipédia :
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