LâĂcole de Chicago est une icĂŽne du monde acadĂ©mique. Avant que dâĂȘtre associĂ© Ă lâĂ©tablissement du tout premier dĂ©partement de sociologie au dĂ©but du xxe siĂšcle, elle incarne dâabord un courant de pensĂ©e qui a fondĂ© lâĂ©tude des villes comme discipline Ă travers la sociologie urbaine et lâurbanisme. Ernest Watson Burgess est un des fondateurs de cette Ăcole aux cĂŽtĂ©s de William I. Thomas et Robert E. Park.
Il naĂźt Ă Tilbury en Ontario le 16 mai 1886. Ses parents, Edmund J. Burgess et Mary Ann Jane Wilson Burgess quittent le Canada pour les Ătats-Unis alors quâil est encore trĂšs jeune. Son pĂšre Ă©tait un ministre dans la Congregational Church. Il sera scolarisĂ© au Kingfisher College, en Oklahoma, et obtient son B.A. en 1908. Il poursuit des Ă©tudes en sociologie Ă lâuniversitĂ© de Chicago, sous la supervision de William Thomas, et reçoit son Ph.D. en 1913.
AprĂšs quelques annĂ©es dâenseignement dans des universitĂ©s du Midwest, dont lâs du Kansas oĂč il raffine sa connaissance des mĂ©thodes de lâenquĂȘte sociale, il retourne Ă Chicago en tant que professeur adjoint en 1916. Il est considĂ©rĂ© comme le premier «jeune sociologue» de formation puisque les autres membres du dĂ©partement de sociologie avaient rejoint celui-ci Ă travers dâautres disciplines. Sa carriĂšre de professeur sâest Ă©tendue sur cinq dĂ©cennies de 1916 Ă 1957. Il devient professeur Ă©mĂ©rite en 1951. MĂȘme aprĂšs sa retraite, Burgess reste actif : il est le co-auteur dâun ouvrage sur la sociologie urbaine avec Donald Bogue en 1963. Il est Ă©lu comme 24e PrĂ©sident de lâAmerican Sociological Association (ASA) en 1934.
Moins connu que ses collĂšgues Thomas et Park, pour des raisons quâon peine Ă expliquer, il a significativement contribuĂ© au dĂ©veloppement de la sociologie moderne par ses travaux sur lâĂ©cologie sociale.
Il prĂ©fĂšre les aspects pratiques de la sociologie, plutĂŽt que les enjeux thĂ©oriques, explorant et Ă©tudiant les phĂ©nomĂšnes sociaux tels que la croissance urbaine, la criminalitĂ©, la dĂ©linquance, la violation de libĂ©ration conditionnelle et le divorce. Il cherche Ă concevoir des outils fiables capable de supporter la prĂ©diction de ces phĂ©nomĂšnes. Il affirme que « La prĂ©diction est le but des sciences sociales comme des sciences physiques » ou encore que sa contribution Ă la sociologie aura consistĂ© Ă faire Ă©merger celle-ci, Ă partir d’une philosophie de la sociĂ©tĂ©, en tant que science de la sociĂ©tĂ© (« from a philosophy of society sociology is emerging into a science of society »). On lui doit diffĂ©rentes mĂ©thodes statistiques et analytiques pour amĂ©liorer ces prĂ©dictions. Les mĂ©thodes de recherche qualitative, comme les entrevues et l’examen des documents personnels comptaient, selon lui, comme des outils de recherche utiles et pertinents. Avec leur concours, un scientifique est mieux Ă©quipĂ© pour comprendre les humains et ce que recouvre les phĂ©nomĂšnes sociaux.
Ăcrite avec avec Robert Park en 1921, lâIntroduction Ă la science de la sociologie, constitue une des Ćuvres les plus importantes de Burgess. Ce manuel qui est devenu un ouvrage de rĂ©fĂ©rence classique, la âbible de la sociologieâ, a dĂ©fini les voies nouvelles et le cadre conceptuel pour la sociologie en train de se constituer et de sâĂ©crire.
Dans un autre ouvrage collaboratif, publiĂ© en 1925, The City, Burgess and Park propose une conception de la ville qui correspond largement au modĂšle des zones concentriques observables dans lâagglomĂ©ration de Chicago auquel ils prĂȘtent un caractĂšre gĂ©nĂ©ral. Ce modĂšle, dit âThe Burgess Urban Land Use Modelâ ou âthĂ©orie des zones concentriquesâ suggĂšre une forme de compĂ©tition Ă©conomique pour rĂ©guler lâespace.
Les auteurs font lâhypothĂšse que la croissance urbaine procĂšde par extension, succession et concentration. La croissance dâun centre des affaires tendrait Ă repousser progressivement les abords qui sont dĂ©laissĂ©s par les habitants mieux nantis au profit des quartiers rĂ©sidentiels pĂ©riphĂ©riques et des banlieues. Entre les deux, une « zone de transition » instable et sujette Ă la dĂ©gradation se crĂ©e occupĂ©e par la classe ouvriĂšre et les immigrants les plus anciens. Ces populations cherchent aussi Ă quitter cette zone Ă mesure que leur intĂ©gration Ă la sociĂ©tĂ© dâaccueil se rĂ©alise. Le phĂ©nomĂšne de la mobilitĂ© (transports, dĂ©placements, quotidiens, dĂ©mĂ©nagements, etc.) conçu comme lâune des manifestations les plus Ă©videntes du mĂ©tabolisme urbain, y joue un rĂŽle majeur. Suivant cette perspective, les villes sont des phĂ©nomĂšnes dâĂ©volution et de changement, soumises aux mĂȘmes forces de lâĂ©volution darwinienne que la nature.
Burgess consacre aussi plusieurs Ă©tudes aux institutions de la famille et du mariage. Il tente de concevoir un instrument scientifique pour prĂ©dire le succĂšs dâun mariage dans un ouvrage intitulĂ© Predicting Success or Failure in Marriage, en 1939, avec Leonard Cottrell.
Burgess se penche Ă©galement sur les population de personnes ĂągĂ©es. Les rĂ©sultats de ces travaux ont Ă©tĂ© communiquĂ©s dans lâouvrage Aging in Western Societies publiĂ© en 1960.
Naturalisé américain, il meurt le 27 décembre 1966 à Chicago.
Ćuvres
Burgess, Ernest W. 1916. The Function of Socialization in Social Evolution. University of Chicago Press.
Burgess, Ernest W. 1939. Predicting Success or Failure in Marriage. Prentice-Hall
Burgess, Ernest W. 1960. The Family: From Institution to Companionship. American Book Co.
Burgess, Ernest W. 1967. Urban Sociology. University of Chicago Press. ISBN 0226080560
Burgess, Ernest W. 1974. On Community, Family, and Delinquency. University of Chicago Press. ISBN 0226080587
Burgess, Ernest W. 1978. Aging in Western Societies: A Survey of Social Gero. University of Chicago Press. ISBN 0226080536
Burgess, Ernest W., and Robert E. Park. 1921. Introduction to Science of the Sociology. ISBN 0837123569
Burgess, Ernest W., Robert E. Park, and Roderick D. McKenzie. 1925. The City. University of Chicago Press. ISBN 0226646114
Burgess, Ernest W. 1963. Contributions to Urban Sociology. University of Chicago Press. ISBN 0226080552
Les archives de Burgess sont principalement disponibles Ă partir de l’universitĂ© de Chicago oĂč un guide pour accĂ©der Ă son oeuvre est proposĂ©.
Sources
American Sociological Association, « Ernest Watson Burgess« , (consulté le 28 décembre 2016).
Contributeurs du New World Encyclopedia, « Ernest Burgess« ,  New World Encyclopedia, (consulté le 28 décembre 2016).
Ăditeurs de l’Encyclopedia Britannica, « Ernest Watson Burgess« , Encyclopedia Britannica (consultĂ© le 28 dĂ©cembre 2016).
Jean-Michel, Chapoulie , « Ernest W. Burgess et les dĂ©buts d’une approche sociologique de la dĂ©linquance aux Etats-Unis« , DĂ©viance et SociĂ©tĂ©, 2/2003 (Vol. 27), p. 103-110. (consultĂ© le 28 dĂ©cembre 2016)
Yves Grafmeyer, « BURGESS ERNEST W. â (1886-1966)« , EncyclopĂŠdia Universalis [en ligne] (consultĂ© le 28 dĂ©cembre 2016).