Artiste renommĂ© du Paris mondain de lâentre-deux guerres, fascinĂ© par les arts de la scĂšne, Kees Van Dongen est devenu fortunĂ© et cĂ©lĂšbre pour ses audacieux portraits de femmes. Actrices de thĂ©Ăątre et bourgeoises fĂ»rent nombreuses Ă dĂ©filer dans son atelier avec leurs riches apparats, pour passer sous son pinceau au trait imparfait et aux couleurs vives et contrastĂ©es.
« J’aime ce qui brille, les pierres prĂ©cieuses qui Ă©tincellent, les Ă©toffes qui chatoient, les belles femmes qui inspirent le dĂ©sir charnel… et la peinture me donne la possession plus complĂšte de tout cela, car ce que je peins est souvent la rĂ©alisation obsĂ©dante d’un rĂȘve ou d’une hantise…», disait-il.
NĂ© aux Pays-Bas en 1877 dans une famille de classe moyenne, Kees Van Dongen – de son vrai nom Cornelis ThĂ©odorus Marie van Dongen â entre Ă lâAcadĂ©mie Royale des Beaux-Arts de Rotterdam Ă seize ans. Dâabord inspirĂ© par les Ćuvres de Rembrandt, il fait rapidement scandale dĂšs lors quâil commence Ă peindre des travailleurs fatiguĂ©s du port de Rotterdam, des pauvres et des prostituĂ©es de la rĂ©gion.
Un premier voyage Ă Paris en 1897 lâamĂšne Ă frĂ©quenter les milieux anarchistes et Ă travailler comme caricaturiste pour des hebdomaires satiriques afin de gagner sa vie. AprĂšs un bref retour en Hollande, il revient sâinstaller dĂ©finitivement dans la capitale française en dĂ©cembre 1899 et y rencontre FĂ©lix FĂ©non, critique dâart et journaliste anarchiste, qui le fait entrer en 1903 Ă la Revue Blanche â une revue littĂ©raire et artistique Ă tendance anarchiste. Il se marie en juillet 1901 avec une compatriote rencontrĂ©e Ă lâAcadĂ©mie de Rotterdam, Augusta Preintinger – dite Guus, avec laquelle il aura deux enfants, dont lâun dĂ©cĂšdera trĂšs jeune.
Le fauvisme
Câest en 1904 que les toiles de Van Dongen commencent Ă ĂȘtre remarquĂ©es, dâabord lors dâune exposition organisĂ©e par le marchand dâart Ambroise Vollard en 1904, puis au Salon des IndĂ©pendants. Lâexposition du Salon dâAutomne de 1905, Ă laquelle prend part Van Dongen aux cĂŽtĂ©s de Matisse et Vlaminck, signe le dĂ©but du fauvisme : aprĂšs la douceur de lâimpressionnisme, les couleurs pures et vives des peintures fauves choquent et suscitent le scandale.
Poursuivant ses recherches sur la couleur, Van Dongen sâinstalle en 1906 et 1907 dans la citĂ© dâartiste du Bateau-Lavoir, dans le voisinage de Picasso. SâintĂ©ressant aux spectacles forains, aux danseurs, acrobates et personnalitĂ©s de cirque et music-hall, il peint essentiellement des femmes quâil montre dans des poses intimes et rend souvent complices de la sensualitĂ© coquine quâelles dĂ©gagent. La femme au grand chapeau (1906), typiquement fauve, montre une femme Ă la poitrine dĂ©voilĂ©e, tandis que Le ChĂąle espagnol fĂ»t retirĂ© du Salon dâAutomne de 1913 suite Ă lâindignation provoquĂ©e par la reprĂ©sentation crue dâune prostituĂ©e nue, observĂ©e par un mendiant.
Le succĂšs commercial de ses toiles lui permet bientĂŽt de voyager et dâexposer dans diffĂ©rents pays, notamment en Allemagne oĂč il a des affinitĂ©s avec les expressionnistes locaux, en Espagne et au Maroc en 1910-1911, ou encore en Ăgypte en 1913. Ces sĂ©jours font Ă©voluer sa palette de couleurs, qui devient plus harmonieuse.
Le Paris mondain des années 20
Ses liaisons avec la marquise Luisa Casati en 1913 puis avec LĂ©o Jasmy de 1916 Ă 1932 lâintroduisent dans la haute sociĂ©tĂ© parisienne et lâamĂšneront plus tard Ă divorcer de son Ă©pouse. Ses peintures sâorientent alors vers les portraits de femmes issues de la sociĂ©tĂ© parisienne mondaine, qui lui vaudront sa cĂ©lĂ©britĂ© et sa fortune durant lâentre-deux guerres, tel que Actrice dans le rĂŽle de Hamlet en 1922. Fort de son succĂšs, il reçoit en 1926 la lĂ©gion dâhonneur et est dĂ©corĂ© en 1927 de lâOrdre de la Couronne de Belgique, avant dâobtenir la nationalitĂ© française et de voir entrer ses Ćuvres dans des collections nationales dĂšs 1929.
L’aprĂšs-guerre
Le succĂšs de Van Dongen sâestompe cependant Ă compter des annĂ©es 1930, sa rĂ©putation Ă©tant notamment compromise suite Ă sa participation, avec AndrĂ© Derain et Maurice de Vlaminck, Ă une exposition dâart organisĂ©e en Allemagne en 1941 par le IIIe Reich. MĂȘme sâil ne semblait y assister sans motif idĂ©ologique (la contrepartie de ce dĂ©placement devait ĂȘtre la libĂ©ration d’artistes français alors prisonniers de guerre), ce voyage lui est sĂ©vĂšrement reprochĂ© et lâempĂȘche dâexposer dans les salons officiels aprĂšs la libĂ©ration.
Van Dongen finit par sâinstaller Ă Monaco en 1949, oĂč il rĂ©alise quelques lithographies, des peintures de paysages, et malgrĂ© tout encore quelques portraits de personnalitĂ©s, certes plus conventionnels, tel que celui de Brigitte Bardot en 1959. Il entretient Ă©galement un lien rĂ©gulier avec Max Stern, juif allemand exilĂ© au Canada, propriĂ©taire de la Galerie Dominion Ă MontrĂ©al et qui fĂ»t lâun des plus important collectionneur et marchand dâart canadien. Ce dernier lui achĂšte plusieurs Ćuvres quâil fera connaĂźtre au Canada et qui ont aujourdâhui intĂ©grĂ© certaines collections musĂ©ales canadiennes tel que celles des MusĂ©es des beaux-arts et d’art contemporain de MontrĂ©al.
Van Dongen dĂ©cĂšde Ă Monaco le 28 mai 1968 Ă lâĂąge de 91 ans.
Domaine public: quelques exemples
Au Musée des Beaux-Arts de Montréal :
- La perruche, vers 1910, huile sur toile, 81 x 65,2 cm ;
- Actrice dans le rĂŽle de Hamlet, vers 1922-1923, huile sur toile, 100,6 x 81,3 cm ;
- La Femme au canapé, vers 1930, huile sur toile, 89,2 x 166,8 cm.
Au MusĂ©e d’Art contemporain de MontrĂ©al :
- Chevaux se cabrant, vers 1905 ;
- Nude on a Red Sofa « Farniente », vers 1910 ;
- Le Crachin, Normandie, vers 1955 ;
- La PremiĂšre Communiante, 1956.
Au Musée des Beaux-Arts du Canada :
- Souvenir de la saison d’opĂ©ra russe, 1909, huile sur toile, 54.2 x 65 cm.
Quelques autres Ćuvres :
- La femme au grand chapeau, 1906 ;
- La danseuse, 1907 ;
- La Parisienne de Montmartre, vers 1907 ;
- Les lutteuses, 1907-1908 ;
- Portrait d’AdĂšle Besson, 1908 ;
- La Dame au chapeau noir, 1908 ;
- Femmes Ă la balustrade, 1911 ;
- Le ChĂąle espagnol, 1913 ;
- La Vasque fleurie, 1915 ;
- Femme sur un sofa, 1930 ;
- Brigitte Bardot, 1959.
Sources
- Kees van Dongen sur Wikipédia ;
- Claire Maingon, « Kees Van Dongen en 2 minutes », Beaux-Arts magazine, 12 février 2018 ;
- « Van Dongen, La Parisienne de Montmartre », Collections du MusĂ©e d’art moderne AndrĂ© Malraux ;
- Kees van Dongen, MusĂ©e de l’orangerie ;
- JĂ©rĂŽme Delgado, « Exposition – Portraits en fauve », Le Devoir, 31 janvier 2009 ;
- Jocelyne Lepage, « Van Dongen au MBAM : un fauve au musée », La presse, 21 janvier 2009 ;
- Kees van Dongen, Dictionnaire de la peinture, Ăd. Larousse ;
Illustration
- Kees van Dongen en 1923. Domaine public. Sur Wikimédia Commons
- Kees van Dongen, 1906, Femme au grand chapeau (Woman With a Large Hat), oil on canvas, 100 x 81 c. Domaine public. Sur Wikimédia Commons.
- Kees van Dongen, c.1920, Le sphinx (Portrait de Renée Maha, La femme aux chrysanthÚmes), oil on canvas, 146 x 113 cm, Musée d'Art Moderne de la Ville de Paris. Exhibited at the Salon d'Automne, Paris, 192. Domaine public. Sur Wikimédia Commons.