Ronn Metcalfe

Il existe peu d’écrits ou même d’archives photographiques ou musicales pour illustrer et rendre compte de la vie de ce musicien de jazz, mort subitement d’une attaque cardiaque, à l’âge de 38 ans. Lorsqu’il passa l’instrument à gauche, il était sur le point de conclure un contrat avec la maison de disques Polydor. Cette histoire est donc écrite à partir de quelques documents seulement.

Ronn Metcalfe est un musicien de jazz canadien né le 20 juillet 1930 et décédé le 18 mai 1969. Il a évolué dans la région de Niagara. Bien que saxophoniste ténor de formation, c’est en tant que leader de son « big band », le Ronn Metcalfe Orchestra, qu’il a laissé sa trace dans l’histoire du Jazz. Sa présence inspirait à ses musiciens le « feu » et l’ « excitation » du jeu. Leurs prestations sur scène transpiraient cette énergie.

Les influences de Ronn Metcalfe lui étaient surtout contemporaines — Woody Herman, Les Elgart et Stan Kenton, les chansons de Sinatra, et Bobby Darin. Il avait la réputation d’être quelque peu avant-gardiste.

Ronn Metcalfe et son orchestre se sont fait surtout connaître par le « single » de 1962 sur lequel ils reprenaient un titre connu, Woodchopper’s Ball, une variation de Woody Herman du Tiger Rag’ de Joe Bishop¹. Ce choix est étrange dans la mesure où ce grand orchestre était plutôt ancré dans le jazz contemporain. La version du Ronn Metcalfe Orchestra a cependant donné littéralement un côté twist à la version originale de Woody Herman, qui avait déjà connu le succès à partir de 1939.

Les débuts du « Big Band » : les tournées

Le Ronn Metcalfe Orchestra se produisait principalement dans la région de Niagara. Durant l’année, il jouait pour animer des soupers d’entreprises comme General Motors, qui les invitait souvent, dans la région de Niagara. Puis, vers la fin des années 50, ils se produisaient davantage dans les villes côtières – le « beach circuit », en été – et aussi dans des salles situées près des campus d’université canadiennes telles que McMaster (Hamilton, ON), Waterloo ou Queen’s (Kingston). Leurs tournées les amenèrent aussi du côté américain, dans les collèges Cornell et du Kent State, notamment. Le beach circuit était toujours une période plus faste, tant aux plans créatif que pécunier.

L’ascension du Ronn Metcalfe Orchestra

Au début des années 60, le Ronn Metcalfe Orchestra était composé de 17 instruments, dont 8 cuivres. On comptait parmi eux:

• Ronn Metcalfe, le chef d’orchestre et l’entrepreneur du groupe.
• Al Kerlnick, à la batterie, toujours sur le rythme.
• Dave Sproat, au piano, qui avait rejoint le band en 1958. Formé au conservatoire, il s’est converti au Jazz, suite à l’écoute du 78 tours, le Artie Shaw. Côté sombre: il appréciait aussi la musique concurrente d’alors — le très suspect rock’n roll.
• Terry Kelly, à la guitare, qui n’était pas non plus indifférent aux charmes du rock’n roll.

La plupart des arrangements sont faits par John MacDonald, le directeur de l’école de musique moderne d’Hamilton. Le Ronn Metcalfe Orchestra est mûr pour la gloire. C’est dans ce contexte que le LP, Twistin’ at Woodchoppers Ball, est enregistré.

Woodchopper’s Ball: la version twist

En 1962, lors de l’enregistrement de l’album, on n’entend toutefois pas les musiciens qui jouaient habituellement dans l’orchestre lors des concerts de fin de semaine, mais des instrumentistes jazz loués au Hallmark Studio, un studio de production musicale basé à Toronto. Parmi ces mercenaires d’un jour ou d’une semaine, on note la présence de Moe Koffman (solos de flûte), Rick Wilkins, Guido Basso et Rob McConnell.

Dans cet album, on peut écouter une sélection de classique du jazz mais aussi des pièces plus particulières, comme Sabre Dance, de Khatchaturian, et quelques autres riffles de blues — tous remixés dans un rythme de twist effréné. On voit bien que la réutilisation et le remix étaient et restent très important pour le jazz, comme pour la création en général.

À la veille de l’enregistrement, l’équipe du Ronn Metcalfe Orchestra n’était pas certain de faire la bonne chose en « twistant » ces blues. Durant la nuit, ils changèrent d’avis. Le son qui en résulta se répandit comme une épidémie dansante. Les jeunes se remirent à danser en couple et avec frénésie, comme à la Belle Époque!

D’une certaine manière, donc, la musique du Ronn Metcalfe Orchestra permit à la jeunesse d’après-guerre de revivre l’époque du Charleston et de prolonger un peu celle des « Big Bands ». Depuis le milieu des années 50, en effet, ceux-ci perdaient peu à peu leur public au profit du rock’n roll, qui prenait de plus en plus la place sur la scène musicale et faisait danser la jeunesse « around the clock ». Pour Ronn Metcalfe, le twist était donc une manière de redonner un souffle « pop » aux grands orchestres tout en conservant l’héritage de la musique jazz. Musicalement, ce fut un pari réussi.

Le « king » de Ste-Catharine

En 1963, Ronn Metcalfe est ambitieux. Il veut désormais que son « big band » de tournée devienne professionnel. Il engage donc de nouveaux musiciens: le saxophoniste tenor Sam Falzone et le trompetiste Sam Noto. Toutefois, le rock’n roll sonnait inexorablement le glas de cette ambition.

Alors qu’en 1962, l’album était acclamé et que les jeunes dansaient une version twist d’un vieux classique du blues, en 1964, leur prestation au Queen’s College ne suscita plus que l’indifférence. Les étudiants avaient totalement et exclusivement adopté le rock’n roll.

Par la suite, Ronn Metcalfe rebondit et ré-émergea à nouveau, localement, dans la région de Niagara. Il devient le « king » du « Castle », un night-club de Ste.Catharine qui se concentrait sur le rock des années 60. Ce sera une réorientation de carrière musicale de courte durée, puisqu’il mourra subitement d’une attaque cardiaque lors d’une visite d’affaire et de famille à Ottawa, le 18 mai 1969.

Domaine Public

Au Canada, toute l’œuvre de Ronn Metcalfe appartiendra au domaine public dès le 1er janvier 2020.

On trouvera l’album twist de Woodchopper’s Ball à la BAnQ:

• Twisting at the Woodchoppers’ Ball. Toronto: Barry : Manufactured and distributed by Quality Records.

Sources et références

• « Artist: Metcalfe Ronn And His Orchestra | 33 & 45 Records & Art ». Consulté le 9 décembre 2019.
• « Presenting In Person The Ronn Metcalfe Orchestra | 33 & 45 Records & Art ». Consulté le 9 décembre 2019.
• Downtowner, Volume 16,No.2 Spring 2000, Here Abouts Series #3, Ronn Metcalfe: Big Band with a Twist
• DISCOVERING St. Catharines – Musician RONN METCALFE. Ste.Catharine The Great (SCG) Niagara. YouTube.
• The Big Story of Small Potatoes – Niagara’s Rock Music History 1964-1974 (Part 1 of 4). Paul Miil, 2009. YouTube.

1. Bob Yurochko, A Short History Of Jazz. Burnham Inc. Publishers. Chicago. 1993.

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