Impossible de ne pas faire de liens entre cette comtesse passionnĂ©e par sa culture et la langue bretonne â auxquelles elle donna une scĂšne extraordinaire â et le QuĂ©bec, fier et riche de la langue française et fort d’une culture singuliĂšre.
Vefa de Saint-Pierre, née GeneviÚve de Méhérenc de Saint-Pierre en Bretagne en mai 1872, mériterait sans rougir de figurer dans un volumes des Culottés de Pénélope Bagieu.
Cet incroyable personnage issu de lâaristocratie bretonne aurait trĂšs bien pu avoir la vie que lui destinait son milieu de naissance, mais il nâen fut rien. PlutĂŽt que de se marier et ainsi perdre une indĂ©pendance trĂšs tĂŽt manifestĂ©e et cultivĂ©e â elle reçoit pour son dixiĂšme anniversaire son premier fusil de chasse et rĂȘve de sâembarquer comme mousse sur un cargo! â Vefa choisit la seule autre voie possible pour une femme de son Ă©poque: la religion. Elle rejoint ainsi les Oblats de Saint François de Sales. Elle y reste pendant 15 ans, le temps de confirmer son goĂ»t pour les voyages et lâaventure, avec une mission en Ăquateur en 1899.
En 1905, elle quitte la congrĂ©gation sans jamais avoir prononcĂ© ses vĆux dĂ©finitifs. Ainsi, aprĂšs avoir renoncĂ© au mariage puis aux ordres, Vefa sâaffiche clairement anticonformiste pour son Ă©poque et son milieu, oĂč elle fait scandale.
Pour Ă©chapper Ă tout cela, et aussi sans doute car lâaventure la dĂ©mange, elle quitte la Bretagne pour lâAmĂ©rique du Nord â Ătats-Unis et Canada â oĂč, fine gĂąchette, elle peut pleinement exprimer sa passion de la chasse et commencer Ă nourrir la lĂ©gende qui se formera autour de sa personne â elle aurait tuĂ© un sanglier Ă la dague, un orignal qui la chargeait et des grizzlys, entre autres. Ce voyage lâamĂšne Ă la rencontre des Bretons venus sâinstaller au Canada. Vefa fait Ă©galement un tour du monde qui lâamĂšnera jusqu’en Australie.
En 1910, elle Ă©pouse Joseph-Marie Potiron de Boisfleury â un mariage accidentel qui ne durera que trois mois.
Depuis quelques années, Vefa de Saint-Pierre développe son autre passion: la Bretagne. Elle a acquit en 1908 le manoir de Menez Kamm. Ce bùtiment, érigé dans la région bretonne des Montagnes noires, est en piteux état. Vefa de Saint-Pierre le voit comme un haut lieu de la culture bretonne, celte, mais aussi de toutes les minorités culturelles. Le manoir est restauré au fil des ans, de façon bénévole.
Pendant ce temps, Vefa a appris le breton. Elle finance officiellement et plus secrÚtement écoles et mouvements pour que la langue bretonne soit enseignée et parlée. Elle rentre au gorsedd de Bretagne (la Fraternité des druides, bardes et ovates de Bretagne) comme bardesse sous le pseudonyme de Brug ar Menez Du, « la bruyÚre des Montagnes noires ».
Son manoir, Menez Kamm, Vefa de Saint-Pierre rĂȘve dâen faire « un lieu de rencontre oĂč toute la jeunesse du pays pourrait sĂ©journer pour apprendre et parler les langues celtiques. OĂč lâon accueillerait des groupes venus de tous les pays du monde pour sâenrichir de leurs diffĂ©rences« . Et câest ce quâil devient, principalement aprĂšs sa mort survenue en 1967.
Ce lieu, oĂč la comtesse exigea que jamais le drapeau français ne flotte et oĂč la Marseillaise ne devait y ĂȘtre chantĂ©e, se met Ă rĂ©sonner de musique bretonne. La manoir accueille stages, concerts, veillĂ©es traditionnelles, un grand nombre de musiciens bretons (dont Alan Stivell), et mĂȘme, comme a pu le croire la police française, des rĂ©unions du Front de libĂ©ration de la Bretagne. Menez Kamm attire des gens du monde entier, en particulier du QuĂ©bec. On y verra Coop Breizh prendre son envol. Cette entreprise, spĂ©cialisĂ©e dans lâĂ©dition, la production et la distribution de contenus culturels bretons existe toujours et est particuliĂšrement dynamique.
Malheureusement, les difficultés financiÚres obligeront Menez Kamm à fermer ses portes en 1976.
Lâapport de Vefa de Saint-Pierre et de son manoir Ă la culture et la lĂ©gende bretonne est indĂ©niable. Sa personnalitĂ© insoumise et forte en fait un personnage idĂ©al des lĂ©gendes bretonnes.
Domaine public
Cette comtesse bretonne a Ă©crit un roman (Les Ămeraudes de lâInca, en 1923), des articles et des poĂšmes quâil est difficile de trouver. Tous ses Ă©crits entreront dans le domaine public canadien en 2018.
On peut consulter certains Ă©crits et notes de GeneviĂšve de Saint-Pierre Ă la Young Library de Northampton, Massachusetts. Il s’agit des GeneviĂšve Saint-Pierre Papers, 1904-1962 conservĂ©s parmi les collections spĂ©ciales du Smith College.
Références
- Wikipedia (FR)
- Vefa de Saint-Pierre, la dame de Menez Kamm. Histoires de Bretagne, un blog d’Erwan Chartier-Le Floch.
- Menez Kamm Ă SpĂ©zet, un foyer culturel breton. Histoires de Bretagne, un blog d’Erwan Chartier-Le Floch.
- Claire Arlaux. Une Amazone bretonne â Vefa de SaintâPierre. SpĂ©zet (FinistĂšre, France), Coop Breizh, 2000.
- Véfa de Saint-Pierre comtesse rebelle, Le Télégramme, 09 mai 2000 (Premium).