Jean-Yves Bigras est nĂ© le 19 mai 1919 Ă Ottawa, au Canada. RĂ©alisateur, monteur et producteur pour le cinĂ©ma, la radio, et la tĂ©lĂ©vision, il est notamment connu pour avoir rĂ©alisĂ© La petite Aurore, l’enfant martyre, un film marquant du dĂ©but de la cinĂ©matographie quĂ©bĂ©coise.
InitiĂ© trĂšs tĂŽt par sa famille Ă lâart du thĂ©Ăątre, câest cependant Ă la radio que Jean-Yves Bigras fait ses dĂ©buts. Ă lâuniversitĂ© dâOttawa, alors quâil suit des Ă©tudes classiques, il rencontre FĂ©lix Leclerc, avec qui il participe aux premiĂšres rĂ©alisations du poste radiophonique CKCH. InaugurĂ©e le 30 juin 1933 Ă Hull au QuĂ©bec, cette station diffusait quelques sĂ©ries dramatiques et fĂ»t le premier poste radiophonique de langue française dans la rĂ©gion de lâOutaouais.
Suivant ensuite durant trois ans la facultĂ© de gĂ©nie de lâUniversitĂ© Queenâs, de Kingston (Ontario), il est enrĂŽlĂ© par lâAviation royale canadienne Ă lâĂ©clatement de la seconde guerre mondiale, en 1939. Dâabord officier-pilote, il sera chargĂ© Ă partir de 1941, Ă QuĂ©bec, de rĂ©aliser les premiĂšres Ă©missions de radio canadienne francophone pour le programme de recrutement.
DĂ©mobilisĂ© en 1942 en raison de sa santĂ©, il retourne Ă Ottawa. En 1943, il est engagĂ© par lâOffice national du film (ONF) et fait ainsi partie des premiers canadiens francophones Ă travailler pour cette institution. En tant que monteur et rĂ©alisateur, il contribue durant les six annĂ©es suivantes Ă plus dâune trentaine de documentaires pour lâONF et participe notamment Ă la grande sĂ©rie Canadian Carries On  (En avant Canada), qui rend compte de lâimplication du Canada dans la guerre et les enjeux mondiaux qui y sont associĂ©s. Le moyen-mĂ©trage pour enfants The Boy Who Stopped Niagara, quâil produit et monte en 1947, compte parmi ses autres contributions importantes. Ce film de Leslie McFarlane, qui a remportĂ© le prix du film pour enfants au Festival du film d’Edimbourg, initie Jean-Yves Bigras Ă la fiction et ouvre la voie Ă lâONF Ă un nouveau genre de production : le cinĂ©ma pour enfants.
SollicitĂ© par la compagnie Renaissance Films Distribution, Jean-Yves Bigras quitte lâONF en 1948. Il intĂšgre cette sociĂ©tĂ© et y prend en charge la section « Renaissance Educ », qui vient tout juste dâĂȘtre crĂ©Ă©e et vise Ă produire des films pour enfants et des disques Ă©ducatifs. Seules deux productions seront cependant menĂ©es Ă terme, la premiĂšre Ă©tant un album de disques de contes de Perrault, et la seconde le court-mĂ©trage Rhotomago le diablotin, rĂ©alisĂ© en 1949.
Jean-Yves Bigras sâinvestit alors dans la rĂ©alisation de quatre longs mĂ©trages quĂ©bĂ©cois. En tant que directeur de production, il commence par rĂ©aliser des sĂ©quences dâactions de bagarres et de drave du film Le gros bill, de RenĂ© Delacroix, qui sort en 1949. Suite Ă cette expĂ©rience, il devient le premier rĂ©alisateur canadien francophone Ă rĂ©aliser un long-mĂ©trage de fiction, avec la comĂ©die musicale Les lumiĂšres de ma ville, mettant en vedette Monique Leyrac, Guy Mauffette et Huguette Oligny. Le film, qui prend lâaffiche en octobre 1950 au cinĂ©ma St-Denis, est mal reçu par la critique et le public.
MalgrĂ© cet Ă©chec, il lui est confiĂ© la rĂ©alisation dâun second long-mĂ©trage, La Petite Aurore lâenfant martyre, qui rencontrera Ă lâinverse un immense succĂšs et deviendra un film symbolique du cinĂ©ma quĂ©bĂ©cois des annĂ©es 50. Le film est adaptĂ© dâune piĂšce de thĂ©Ăątre elle-mĂȘme basĂ©e sur lâhistoire dâAurore Gagnon – victime de maltraitance, qui fĂ»t Ă lâĂ©poque fortement mĂ©diatisĂ©e et marqua l’imaginaire collectif des quĂ©bĂ©cois. Yvonne Laflamme, Lucie Mitchell et Paul Desmarteaux y tiennent les rĂŽles principaux. Suite aux plaintes du pĂšre d’Aurore, TĂ©lĂ©sphore Gagnon, qui tente d’obtenir une injonction pour empĂȘcher la diffusion du film, la sortie de ce dernier ne se fera qu’en avril 1952, au ThĂ©Ăątre St-Denis. TournĂ© en 14 jours Ă lâĂ©tĂ© 1951 pour un budget de 59 000 dollars, il attire 750 000 spectateurs et rapporte 800 000 dollars.
Avant son dernier long-mĂ©trage, Jean-Yves Bigras fait un dĂ©tour par la radio pour rĂ©aliser deux sĂ©ries radiophoniques pour la station CKVL : Les Secrets de la vie et ZĂ©zette. Il entre ensuite au service de Radio-Canada et en devient lâun des principaux rĂ©alisateurs. En 1954 sortira son dernier long-mĂ©trage cinĂ©matographique, LâEsprit du mal, un mĂ©lodrame qui sâavĂ©rera ĂȘtre un Ă©chec cuisant auprĂšs du public et de la critique. Pour la toute premiĂšre fois de lâhistoire des premiĂšres au St-Denis, la salle sera Ă moitiĂ© vide lors de la prĂ©sentation du film.
Terminant principalement sa carriĂšre Ă la tĂ©lĂ©vision, il rĂ©alise de nombreux tĂ©lĂ©-thĂ©Ăątre dont Le Locataire, Rayon des jouets ou Barque sans pĂȘcheurs. Ă partir de 1962, il participe Ă l’Ă©mission Images en tĂȘte et devient l’animateur du Club CinĂ© 8, qui enseigne aux jeunes les techniques du cinĂ©ma 8 mm. Il se voit Ă©galement confier par Radio-Canada de grands reportages sur les conquĂȘtes spatiales des Ătats-Unis.
MariĂ© et pĂšre de quatre enfants, il est dĂ©cĂ©dĂ© Ă MontrĂ©al le 17 aoĂ»t 1966, Ă l’Ăąge de 47 ans.
Oeuvres (longs métrages)
- Le Gros Bill, réalisation René Delacroix et Jean-Yves Bigras, 1949
- Les lumiÚres de ma ville, réalisation Jean-Yves Bigras, 1950
- La petite Aurore, lâenfant martyre, rĂ©alisation Jean-Yves Bigras, 1951
- LâEsprit du mal, rĂ©alisation Jean-Yves Bigras, 1953
Sources
- Coulombe, Michel ; Jean, Marcel. « BIGRAS, Jean-Yves », Dictionnaire du cinéma québécois. Les éditions du Boréal, 2006.
- Lever, Yves ; Pageau, Pierre. Chronologie du cinĂ©ma au QuĂ©bec. Ăditions Somme toute, 2006
- Véronneau, Pierre. « Le succÚs est au film parlant français (Histoire du cinéma au Québec I) ». Les Dossiers de la CinémathÚque, n°3.
- VĂ©ronneau, Pierre. « CinĂ©ma de l’Ă©poque Duplessiste (Histoire du cinĂ©ma au QuĂ©bec II) ». Les Dossiers de la CinĂ©mathĂšque, n°7.
- VĂ©ronneau, Pierre. « RĂ©sistance et affirmation : la production francophone Ă l’ONF – 1939-1964 (Histoire du cinĂ©ma au QuĂ©bec III) ». Les Dossiers de la CinĂ©mathĂšque, n°17.
- Jean-Yves Bigras. Le cinéma du Québec au temps du parlant, 1930-1952.
- Le profil âŠ. Jean-Yves Bigras, Radio-Monde, 25 mars 1950.