Né en 1912 à Pilsen (aujourd’hui en République tchèque), Jiří Trnka figure parmi les grands maîtres du cinéma d’animation, en plus d’être sculpteur, peintre, illustrateur et décorateur de théâtre et de cinéma. Sa conception et philosophie de l’art de l’animation de marionnettes a fait école à l’international durant l’après-guerre et a marqué l’histoire du cinéma d’animation. Břetislav Pojar, réalisateur phare de l’Office National du Film du Canada, fût l’un de ses plus célèbre collaborateur et héritier. On retrouve aujourd’hui un prolongement de cette école tchèque dans les œuvres des canadiens Co Hoedeman ou Patrick Bouchard.
Passionné de marionnettes, Jiří Trnka a commencé à s’initier à cet art auprès du célèbre marionnettiste Josef Skupa, qui l’encouragea à intégrer l’Académie d’architecture, d’art et de design de Prague. Jiří Trnka y étudie de 1929 à 1935 et travaille en parallèle dans l’atelier de gravure de l’un de ses professeurs. Fraîchement diplômé, il crée à Prague en 1936 le théâtre de marionnettes pour enfants Dřevěné divadlo (« Théâtre de bois »), mais devra cesser ses activités en raison de difficultés financières.
Bénéficiant de bonnes bases en dessin, il commence alors à illustrer des livres, notamment pour enfants, et poursuivra cette activité tout au long de sa vie. Il recevra en 1968 le prix Hans Christian Andersen pour l’ensemble de son œuvre, représentant des illustrations de près de 130 ouvrages parmi lesquels les Mille et une nuits, des contes des frères Grimm ou de Charles Perrault ou encore des fables de La Fontaine.
À la fin de la guerre, il fonde le studio d’animation Bratři v triku (« Trois frères dans un seul pull-over »), avec Eduard Hofman et Jií Brdeka. Il y réalise un premier film d’animation, Grand-père a planté une betterave, ainsi que quelques courts-métrages en utilisant la technique du dessins sur cellulos, mais celle-ci ne lui plaît guère. En 1947, il réalise finalement son premier film de marionnettes, un long métrage intitulé L’année tchèque, qui prend appui sur les légendes et coutumes du pays. Ses films suivants s’inspirent de classiques littéraires tchèques ou internationaux (Le Brave Soldat Chvéïk (1955) d’après l’écrivain Jaroslav Hašek, Le Songe d’une nuit d’été (1959) d’après Shakespeare…), jusqu’à ce que les progrès techniques et la modernité des années 60 l’amènent à d’autres aspirations. C’est le cas par exemple pour son œuvre La Grand-mère cybernétique (1962) ou La Main (1965), son dernier et plus célèbre film, véritable allégorie d’un état totalitaire et des rapports que le pouvoir entretient avec les artistes, interdit de projection jusqu’à la fin des années 80.
Durant ses vingt dernières années, Jiří Trnka aura ainsi réalisé plus d’une vingtaine de films d’animation, dont 7 longs métrages, constituant un prolongement de la tradition du théâtre de marionnette. Les émotions et sentiments de ses personnages sont exprimées dans les jeux de caméras, l’éclairage et les mouvements et gestes harmonieux des marionnettes plutôt que dans les expressions faciales de ces dernières, qui restent neutres, sans animation par exemple des yeux ou de la bouche.
Sollicité en 1967 pour l’exposition universelle de Montréal, pour laquelle il crée l’Arbre des jouets et l’Arbre des contes au pavillon de la Tchécoslovaquie, Trnka devient la même année professeur à l’Académie des Arts, de l’Architecture et du Design de Prague. Il décède deux ans plus tard à Prague, à l’âge de 57 ans. Au-delà du cinéma d’animation, il aura également été chef décorateur au Théâtre national de Prague et dans quelques films, aura réalisé des dizaines de peinture à huile et aquarelles dont certaines font partie de la Galerie nationale de Prague, et a créé une cinquantaines de sculptures.
Domaine public
Au Canada, toute l’œuvre de Jiří Trnka appartiendra au domaine public dès le 1er janvier 2020.
Sources et références
- Jiří Trnka, sur Wikipédia
- Marco de Blois, « Jiří Trnka, maître de la marionnette », in 24 images, 14 septembre 2018
- Marcel Jean, « Jiří Trnka, à la source du cinéma d’animation tchèque », captation vidéo du cours de cinéma du 23 novembre 2012 au Forum des images à Paris
- Mathieu Li-Goyette, « Les petites résistances de Jiří Trnka », in Panorama-Cinéma, 24 novembre 2017
Ressources complémentaires
- « Jiří Trnka, l’ami retrouvé », documentaire de Joël Farges, 2019, 80 min
- La Main, Jiří Trnka, République tchèque, 1965, 19 min, Couleur
- 5 films de Jiří Trnka dans la Internet Archive
Illustration
- Jiří Trnka (à gauche) et Václav Trojan. Photographie : neznám, CC0. Wikimedia Commons.
- Vidéo: « Stare Povesti Ceske » (Vieilles légendes tchèques), 1953. Internet Archive (domaine public).