Otto Hahn est un chimiste allemand né en 1879 à Francfort-sur-le-Main et décédé le 28 juillet 1968 à Göttingen, en Allemagne. Avec la physicienne Lise Meitner, il se lança, en 1935, dans l’étude de ce que l’on pensait être alors des transuraniens1, c’est à dire des éléments chimiques dont le numéro atomique est supérieur à celui de l’uranium (92). En 1938, Lise Meitner dû cependant fuir l’Allemagne en raison de ses origines juives et Otto Hahn continua ses expériences avec le physicien Friedrich (dit « Fritz ») Strassmann2, tout en continuant à correspondre avec la brillante physicienne réfugiée en Suède.
Une découverte majeure
Grâce à une analyse radiochimique méticuleuse dont la configuration expérimentale lui avaient été suggérée par Lise Meitner3, Hahn et Strassmann découvrirent alors que la collision d’un neutron avec un noyau d’uranium produisait, entre autres, du baryum4. Hahn et Strassmann ne parvenaient pas à expliquer physiquement ce résultat. Hahn s’en ouvrit à Lise Meitner dans une lettre. Celle-ci examina la question avec son neveu, le physicien autrichien Otto Frisch5 qui était en visite chez elle, à Kungälv6, près de Göteborg. Tous deux émirent alors l’hypothèse que le noyau d’uranium s’était cassé en deux. Ils consolidèrent cette théorie, expliquant le phénomène, estimant l’énergie ainsi libérée et établissant la possibilité d’une réaction en chaîne. C’est Otto Frisch, semble-t-il, qui utilisa en premier le terme de « fission » (ou « rupture ») nucléaire.
Dans l’impossibilité politique de créditer leurs collègues et amis juifs de cette contribution décisive, Hahn et Strassmann furent les seuls à signer l’article exposant l’évidence de la fission nucléaire qu’ils soumirent à la revue Naturwissenschaften et qui fut publié dans le numéro du 6 janvier 1939. Lise Meitner ne lui en tînt apparemment pas rigueur, puisqu’elle lui écrivit de Stockholm, le 24 février 1939:
« It must certainly be a great joy for you and Strassmann that you have made the whole world of physics excited. That is really wonderful! » — Lise Meitner7
Il s’agissait bel et bien de l’acte de naissance de l’énergie nucléaire et Otto Hahn, considéré depuis comme le « père de la chimie nucléaire » se vit décerner le prix Nobel de chimie de 1944 pour cette découverte. Lise Meitner, qui l’avait d’abord assisté puis, à partir de 1917, fait équipe d’égal à égal avec lui pendant 26 ans, ne fut pas associée à cette reconnaissance, ce qui fait de cette affaire un cas classique d’« effet Matilda »8. Elle n’en demeura pas moins loyale envers son prestigieux collègue, affirmant notamment en 1955:
« La découverte de la fission nucléaire par Otto Hahn et Fritz Strassmann a ouvert une nouvelle ère dans l’histoire de l’humanité. Il me semble que ce qui rend la science derrière cette découverte si remarquable, c’est qu’elle a été réalisée par des moyens purement chimiques. » — Lise Meitner9
Otto Hahn et la bombe atomique
À la suite de la découverte de la fission atomique, Otto Hahn pressent la possibilité qu’elle puisse servir à des fins militaires. Dans ses publications scientifiques, il espère que cela reste irréalisable — tout comme Lise Meitner, d’ailleurs.
Il traverse la Seconde guerre mondiale sans prendre part aux travaux secret du régime nazi pour fabriquer la bombe atomique. Les nazis ne l’inquiètent pas car il ne représente pour eux aucun danger, continuant son travail scientifique sur la radioactivité dans le sud du pays.
En avril 1945, il est arrêté par les services secrets alliés et interné en Grande-Bretagne avec d’autres scientifiques allemands. La destruction des villes de Hiroshima et Nagasaki le bouleverse profondément, car il se sent indirectement responsable de cet acte qui l’émeut et l’indigne profondément.
Le 12 avril 1957, il fait partie des 18 cosignataires de la Déclaration de Göttingen10. Ces physiciens allemands y expriment leur inquiétude face à l’utilisation de la science atomique à des fins militaires. Ils appellent à la non-prolifération en Allemagne de l’Ouest et déclarent leur refus de collaborer à la création, au test et au déploiement de tout type d’arme nucléaire. Dans le même temps, ils estiment « extrêmement important » de continuer à travailler aux développement pacifique de l’énergie nucléaire.
Cette déclaration fait grand bruit et, depuis le siège de la Fondation Nobel, à Oslo, le théologien Albert Schweitzer les appuie le 23 avril 1957 dans un appel radiophonique mondiale en faveur de la cessation des essais nucléaires11.
Séjour à Montréal
Sur le portrait fort ressemblant d’Otto Hahn qui ouvre cet article, les lecteurs québécois reconnaîtront la silhouette du pavillon des Arts de l’Université McGill12. En septembre 1905, en effet, le jeune chimiste allemand quitta Londres (où il avait travaillé pendant un an et rédigé sa première communication scientifique) pour Montréal. Il avait obtenu un poste de recherche au laboratoire de Sir Ernest Rutherford, alors titulaire de la chaire de physique de l’Université McGill. Dans son autobiographie, il affirmera plus tard qu’il avait trouvé au Canada « une échelle de valeurs » pour le reste de sa vie.
Domaine public
Toute les écrits originaux incluant les publications scientifiques13 d’Otto Hahn entrent dans le domaine public canadien le 1er janvier 2019. Le Fichier d’autorité international virtuel (VIAF) lui attribue 60 oeuvres14, dont son autographie intitulée Mein Leben (Ma vie), publiée l’année-même de sa mort15.
Sources et références
Notes et liens complémentaires
- Wikipedia (fr): Transuranien.
- Wikipedia (fr): Fritz Strassmann.
- « Otto Hahn und Lise Meitner ». Seilnacht
- Le baryum est un métal qui s’enflamme facilement et que l’eau n’éteint pas — au contraire, elle le fait exploser!
- Wikipedia (fr): Otto Frisch.
- Mia Halleröd Palmgren. « EPS Historic Site – Lise Meitner and the discovery of nuclear fission »
- S. Hirzel Verlag. « Erinnerungen an Otto Hahn ». Ed. Dietrich Hahn, Stuttgart, 2005 (via WikiQuote).
- L’effet Matilda désigne le déni ou la minimisation récurrente sinon systémique de la contribution des femmes scientifiques à la recherche, dont le travail est souvent attribué à leurs collègues masculins (Wikipedia). Voir la notule sur Lise Meitner.
- S. Hirzel Verlag, ibid.
- Wikipedia (en): Göttingen Manifesto
- Albert Schweitzer. « A Declaration of Conscience ». 24 avril 1957. [lire en ligne]
- Pavillon des arts – Université McGill. Site officiel du Mont-Royal (Ville de Montréal).
- Voir la sélection de publications d’Otto Hahn proposée par Wikipedia (de).
- VIAF: Hahn, Otto, 1879-1968.
- Otto Hahn. Mein Leben. Bruckmann, Munich, 1968. [WorldCat]