Nous savions que le monde ne serait plus le mĂȘme. Quelques personnes ont ri, quelques personnes ont pleurĂ©, la plupart des gens Ă©taient silencieux. Je me suis souvenu de cette phrase des textes sacrĂ©s hindous, la Bhagavad-Gita; Vishnu essaye de persuader le prince qu’il devrait faire son devoir et, pour l’impressionner, prend sa forme multi-armĂ©e et dit, « Maintenant je suis devenu la mort, le destructeur des mondes. » Je suppose que nous avons tous pensĂ© cela, d’une maniĂšre ou d’une autre.
On peut voir et entendre, sur le site des archives de lâĂ©nergie atomique, J. Robert Oppenheimer prononcer ces phrases sur un ton sombre et grave, dans un documentaire intitulĂ© The Decision to Drop the Bomb rĂ©alisĂ© pour la tĂ©lĂ©vision en 1965.
J. Robert Oppenheimer est nĂ© le 22 avril 1904 Ă New York, dâun pĂšre juif allemand immigrĂ© aux Ătats-Unis en 1888 et dâune mĂšre amĂ©ricaine nĂ©e Ă Baltimore. Il est admis Ă Harvard Ă 18 ans oĂč il complĂšte son baccalaurĂ©at en physique. Il poursuit ses Ă©tudes Ă Cambridge en 1924 sous la gouverne du cĂ©lĂšbre physicien J.J. Thompson, mais il nây reste que deux ans, ayant de la difficultĂ©, semble-t-il, Ă satisfaire les exigences en physique expĂ©rimentale qui lui sont imposĂ©es afin de poursuivre ses Ă©tudes.
Il quitte alors Cambridge pour aller complĂ©ter son doctorat Ă lâUniversitĂ© de Göttingen, un haut lieu de la physique thĂ©orique, sous la supervision de Max Born. Il y rencontre Werner Heisenberg, Pascual Jordan, Wolfgang Pauli, Paul Dirac, Enrico Fermi et Paul Teller qui ont tous contribuĂ© Ă lâĂ©laboration de la physique quantique. Oppenheimer obtient son diplĂŽme au mois de mars 1927, aprĂšs une intense pĂ©riode de recherche qui lui permet dâĂ©tablir sa rĂ©putation en mĂ©canique quantique.
Oppenheimer passe la premiĂšre partie de sa carriĂšre Ă lâUniversitĂ© de Californie Ă Berkeley et au California Institute of Technology, aussi connu sous le diminutif de Caltech, oĂč il contribue Ă la physique nuclĂ©aire, la thĂ©orie quantique des champs, lâĂ©lectrodynamique quantique ainsi quâĂ la relativitĂ© gĂ©nĂ©rale, en particulier la thĂ©orie de lâĂ©volution stellaire.
Le grand public connaĂźt toutefois Oppenheimer surtout pour le rĂŽle crucial quâil a jouĂ© dans le dĂ©veloppement de la bombe nuclĂ©aire. On le qualifie parfois du pĂšre de la bombe atomique. Il a, en effet, Ă©tĂ© le directeur scientifique du projet Manhattan et du laboratoire de Los Alamos, oĂč les premiĂšres bombes ont Ă©tĂ© conçues et testĂ©es le 16 juillet 1945. Il sâest toutefois opposĂ© Ă ce que la seconde bombe soit larguĂ©e sur Nagasaki, geste quâil croyait militairement inutile. Il a par la suite militĂ© en faveur de lâinterdiction des armes nuclĂ©aires.
AprĂšs la guerre, Oppenheimer prend la direction du cĂ©lĂšbre Institute for Advanced Study Ă Princeton au New Jersey. Il a Ă©galement Ă©tĂ© PrĂ©sident du ComitĂ© consultatif de la Commission de lâĂnergie atomique, crĂ©Ă©e en 1947. Il sâest opposĂ© au dĂ©veloppement de la bombe Ă fusion, la bombe Ă hydrogĂšne, invoquant Ă la fois des raisons Ă©thiques et pratiques. Ses objections nâont pas freinĂ© lâĂ©lan des amĂ©ricains, surtout aprĂšs 1951, alors que son ancien Ă©tudiant Edward Teller et le mathĂ©maticien Stanislaw Ulam conçoivent un design qui contourne les difficultĂ©s techniques qui semblaient Ă lâĂ©poque insolubles. La course aux armes nuclĂ©aires est officiellement enclenchĂ©e.
Oppenheimer a entretenu pendant les premiĂšres annĂ©es de sa carriĂšre des liens Ă©troits avec des sympathisants et des membres du parti communiste amĂ©ricain. Il Ă©tait surveillĂ© de prĂšs par le FBI alors quâil dirigeait le laboratoire de Los Alamos. Il a tĂ©moignĂ© en 1949 devant la House Un-American Activities Committee, oĂč il admit avoir des liens avec le Parti communiste amĂ©ricain dans les annĂ©es 1930. Il tĂ©moigna Ă nouveau en 1954, cette fois-ci devant la Commission amĂ©ricaine de lâĂ©nergie atomique, tĂ©moignage qui lui fit perdre ses accĂšs privilĂ©giĂ©s (âsecurity clearanceâ) et son poste de consultant auprĂšs du gouvernement sur les affaires nuclĂ©aires. La loyautĂ© dâOppenheimer envers les Ătats-Unis a longuement Ă©tĂ© mise en doute. Une Ă©tude dĂ©taillĂ©e des archives du KGB a confirmĂ© quâOppenheimer nâavait jamais espionnĂ© pour les Russes, mĂȘme si ces derniĂšres ont maintes fois tentĂ© de le corrompre.
Suite Ă cette humiliation, Oppenheimer se retira sur lâĂźle Saint John, dans les Ăźles vierges amĂ©ricaines. Il prononce des confĂ©rences et Ă©crit des articles sur lâhistoire de la science, le rĂŽle de la science dans la sociĂ©tĂ© et sur les arts et la science. Il reçoit la LĂ©gion dâhonneur en septembre 1957 et le prĂ©sident John F. Kennedy lui remet le Prix Enrico Fermi en 1963. Il est mort Ă Princeton le 15 fĂ©vrier 1967, suite Ă un cancer de la gorge.
Références
Domaine public
Les articles et les livres de J. Robert Oppenheimer appartiendront au domaine public Ă partir du 1er janvier 2018.
Références
- Oppenheimer, J. R., 1984, Uncommon Sense, Boston, BirkhaĂŒser. (voir Internet Archive)
- Oppenheimer, J. R., 1954, Science and the Common Understanding, New York, Simon & Schuster. (voir Internet Archive)
- Oppenheimer, J. R., 1955, The Open Mind, New York, Simon & Schuster. (voir Open Library
Illustration
Auteur: Jean-Pierre Marquis
Images originales réutilisées:
- J. Robert Oppenheimer (WikiMedia Commons)
- Dome d’Hiroshima (WikiMedia Commons)
- Victimes d’Hiroshima(WikiMedia Commons)