« Le prĂ©sent vĂ©cu et vivant se fait passĂ© remĂ©morĂ©, s’essentialise. Il devient tel qu’en lui-mĂȘme enfin, et cette essence arrachĂ©e au flux du vĂ©cu est bien maintenant ce qui est mort, mais soutenir ce qui est mort est la chose la plus difficile de toutes. »1
Jean Hyppolite naĂźt le 8 janvier 1907 Ă Jonzac, au Sud-Ouest de la France. Bien quâil y aurait, selon lui et son sens de lâhumour, de quoi trouver lâorigine « dâun penchant irrĂ©sistible »2 pour lâhistoire de la philosophie dans son enfance et ses souvenirs de celle-ci, lâinformation manque Ă ce sujet : il semblerait que lâHistoire ait oubliĂ© la jeunesse dâHyppolite, le « fils dâun receveur dâenseignement »3 au sein « dâune famille dâofficiers de marine »4. Le rĂ©cit de son adolescence est aussi bref : Hyppolite commence ses Ă©tudes secondaires au lycĂ©e de Rochefort et les complĂšte au lycĂ©e de Poitiers.
Tout cela le mĂšne, en 1925, Ă lâĂcole normale supĂ©rieure (ENS)5. Il y obtient lâagrĂ©gation de philosophie quatre ans plus tard. De 1929 Ă 1939, Hyppolite est professeur dans des Ă©tablissements dâenseignement secondaire : il passe de Limoges Ă Tulle, puis Ă Bourges et Ă Sens, avant de sâarrĂȘter Ă Nancy pour aboutir Ă Paris.
Au cours des annĂ©es 30, il aurait suivi le cours dâAlexandre KojĂšve6 sur Hegel, aux cĂŽtĂ©s de Raymond Aron, Georges Bataille, Alexandre KoyrĂ© et Maurice Merleau-Ponty7, entre autres. La guerre survient alors quâHyppolite termine la premiĂšre traduction française de La PhĂ©nomĂ©nologie de lâEsprit, dont le premier tome paraĂźt en 1939 et le second en 1941. Ayant accompli son service militaire Ă Tulle, entre 1930 et 1931, il est mobilisĂ© dĂšs septembre 1939 et dĂ©mobilisĂ© en juillet 1940, peu aprĂšs la chute de la France aux mains de lâAllemagne.
Hyppolite reprend lâenseignement Ă Paris dans divers lycĂ©es. Ă partir de 1945, il occupe un poste de maĂźtre de confĂ©rences dâHistoire de la Philosophie Ă la FacultĂ© des Lettres de Strasbourg. En 1947, il soutient Ă la Sorbonne sa thĂšse de doctorat dâĂtat, GenĂšse et structure de la PhĂ©nomĂ©nologie de lâEsprit de Hegel, un important commentaire de La PhĂ©nomĂ©nologie en vue duquel il lâavait traduite. Georges Canguilhem, son collĂšgue Ă Strasbourg, souligne lâaudace dâHyppolite :
« Quoi de plus simple â mais quelle singularitĂ© Ă l’Ă©poque â que cette dĂ©claration dans la PrĂ©face Ă la traduction de la PhĂ©nomĂ©nologie de lâEsprit : « C’est en prĂ©parant un travail d’ensemble sur la PhĂ©nomĂ©nologie que nous avons Ă©tĂ© conduit Ă rĂ©diger cette traduction. » Hyppolite traduit le texte qu’il entend commenter, en publie la traduction avant le commentaire, met n’importe qui en mesure de confronter le commentaire au texte. »8
Un passage de 1948 Ă 1949 par le khĂągne9 Louis-le-Grand prĂ©cĂšde une maĂźtrise de confĂ©rences de Philosophie et dâHistoire de la Philosophie Ă la Sorbonne. Le dĂ©but dâune grande carriĂšre universitaire commence. En 1950, il est nommĂ© professeur sans chaire et, dĂšs 1954, directeur adjoint de lâENS rue dâUlm, puis directeur, enfin, quelques mois plus tard.
Ă titre de directeur de lâENS, Hyppolite y autorise au fil de lâannĂ©e 1955 la tenue dâun bal par la revue TrygĂ©e10 que le ministre de lâĂducation nationale interdit ensuite, cette revue Ă©tant accusĂ©e de promouvoir des idĂ©es communistes. Hyppolite dĂ©missionne « au nom de la dĂ©fense des libertĂ©s universitaires11 ».
Il continue dâenseigner jusquâen 1961, reprenant alors la direction de l’ENS mais non pour longtemps : seuls deux ans sâĂ©coulent avant que le CollĂšge de France ne lui attribue la chaire dâhistoire de la pensĂ©e philosophique, cĂ©dĂ©e par Martial Gueroult12 et qui ira Ă Michel Foucault, venue la mort dâHyppolite. Cela faisait onze ans dĂ©jĂ quâil Ă©tait secrĂ©taire des Ătudes des questions bibliophiliques au CollĂšge. Sa mort subite surprend amis et collĂšgues, le 26 octobre 1968.
Jean Hyppolite a enseigné notamment à Gilles Deleuze, Jacques Derrida et Michel Foucault13.
« Le rĂ©sultat n’est rien sans son devenir.14 »
Entretien entre Mr Alain BADIOU, professeur au lycée de Reims, et Mr Jean HYPPOLITE, professeur au CollÚge de France. Centre national de documentation pédagogique (France), 1965. Durée: 29 min 37 s.15
Domaine public
LâĆuvre de Jean Hyppolite tombe donc dans le domaine public canadien le 1er janvier 2019. Elle comprend quatre livres:
- Introduction Ă la philosophie de l’histoire de Hegel (1944)
- GenĂšse et structure de la phĂ©nomĂ©nologie de l’esprit de Hegel (1947)
- Logique et existence : essai sur la logique de Hegel (1953)
- Ătudes sur Marx et Hegel (1955)
Ă cela s’ajoute des prĂ©faces et introductions ainsi qu’un bon nombre dâarticles regroupĂ©s in Figures de la pensĂ©e philosophique (PUF, 1971) et une traduction en deux tomes de La PhĂ©nomĂ©nologie de lâEsprit16 de Hegel.
Sources et références
Livres, périodiques, journaux
- CANGUILHEM, Georges et FOUCAULT, Michel. « JEAN HYPPOLITE (1907-1968) », Revue de Métaphysique et de Morale, 74e Année, n° 2, Paris, PUF, avril-juin 1969.
- DâHONDT, Jacques. « DIDACTIQUE PHILOSOPHIQUE », Les Ătudes philosophiques, n° 1, PUF, Paris, janvier-mars 1969.
- GĂRARD, GĂ©rard. « Jean Hyppolite, Figures de la pensĂ©e philosophique. Ăcrits 1931-1968 », Revue Philosophique de Louvain, QuatriĂšme sĂ©rie, tome 93, n°1-2, Louvain, 1995.
- P.-M. SCHUHL. « Ă la mĂ©moire de Jean Hyppolite (1907-1969) », Philosophique de la France et de l’Ătranger, tome 158, PUF, Paris, 1968.
Ressources Ă©lectroniques
- HYPPOLITE Jean, Gaston, Constant par Jacques Girault, Le Maitron-en-ligne, 31 mai 2010, derniÚre modification le 3 décembre 2011.
- Wikipedia (fr): Jean Hyppolite.
Notes et liens complémentaires
- Jean HYPPOLITE. PrĂ©face Ă Les MĂ©canismes de fascination de Robert Lapoujade, Seuil, Paris, 1955. in Jacques DâHondt. « DIDACTIQUE PHILOSOPHIQUE », Les Ătudes philosophiques, n° 1, PUF, Paris, janvier-mars 1969.
- Jacques DâHONDT.« DIDACTIQUE PHILOSOPHIQUE », Les Ătudes philosophiques, n° 1, PUF, Paris, janvier-mars 1969.
- HYPPOLITE Jean, Gaston, Constant par Jacques Girault, 31 mai 2010, derniÚre modification le 3 décembre 2011.
- P.-M. SCHUHL. « Ă la mĂ©moire de Jean Hyppolite (1907-1969) », Philosophique de la France et de l’Ătranger, tome 158, PUF, Paris, 1968.
- SpĂ©cialisĂ©e en lettres et en sciences, l’Ăcole normale supĂ©rieure est l’une des institutions universitaires et de recherche les plus prestigieuses et les plus sĂ©lectives de France (Wikipedia).
- Personnage controversé et mystérieux, KojÚve, qui fut un agent soviétique, reste une figure de toute premiÚre importance dans la réflexion sur la philosophie politique (Wikipedia).
- Wikipedia (fr): Raymond Aron, Georges Bataille, Alexandre Koyré et Maurice Merleau-Ponty
- Georges CANGUILHEM et Michel FOUCAULT. « JEAN HYPPOLITE (1907-1968) », Revue de Métaphysique et de Morale, 74e Année, n° 2, Paris, PUF, avril-juin 1969.
- En argot scolaire, khĂągne dĂ©signe la deuxiĂšme annĂ©e des classes prĂ©paratoires littĂ©raires prĂ©cĂ©dant le concours littĂ©raires d’admission aux grandes Ă©coles littĂ©raires (Wikipedia).
- TrygĂ©e, organe mensuel du mouvement de la paix dans l’UniversitĂ©, a parue de 1953 Ă 1956 (Notice de pĂ©riodique, BNF).
- HYPPOLITE Jean, Gaston, Constant par Jacques Girault, 31 mai 2010, derniÚre modification le 3 décembre 2011.
- Wikipedia (fr): Martial Gueroult.
- Wikipedia (fr): Gilles Deleuze, Jacques Derrida, Michel Foucault.
- Gilbert GĂRARD. « Jean Hyppolite, Figures de la pensĂ©e philosophique. Ăcrits 1931-1968 », Revue Philosophique de Louvain, QuatriĂšme sĂ©rie, tome 93, n°1-2, Louvain, 1995.
- Centre national de documentation pédagogique (France). « La philosophie et son histoire ». Entretien entre Mr Alain BADIOU, professeur au lycée de Reims, et Mr Jean HYPPOLITE, professeur au CollÚge de France. Réalisation: Jean Fléchet. Production: Dina Dreyfus. Source originale: gallica.bnf.fr / Réseau Canopé.
- Wikipedia (fr): PhĂ©nomĂ©nologie de lâEsprit (Paris, Aubier, 1939 et 1941).