Marie-Claire Daveluy

Écrivaine, historienne et bibliothécaire, Marie-Claire Daveluy a été pionnière à plus d’un titre au Québec. Fervente catholique, sa vie a concilié de façon inédite des valeurs conservatrices avec les avancées d’une femme qui vise à l’érudition, se dévoue à une profession naissante au Québec, publie des romans et défend la contribution des femmes dans l’histoire du Québec¹.

L’historienne

C’est la première femme à être entrée à la Société historique de Montréal en 1917². Passionnée d’archives, elle publie au cours de sa vie plusieurs romans et écrits historiques dont une histoire de Jeanne Mance qui reçoit le prix David et de l’Académie française en 1934. S’ajoutent à ses écrits historiques des pièces de théâtre et de nombreux écrits publiés dans des périodiques comme La Bonne Parole, L’Action Française et La Revue d’histoire de l’Amérique française.

L’auteure pour enfants

Elle écrit aussi pour les enfants, son œuvre marquant l’avènement timide et tardif de la littérature jeunesse  au Québec³. En 1921, elle publie le premier roman québécois écrit spécifiquement à l’intention des enfants, « Les Aventures de Perrine et Charlot ». L’œuvre paraît au départ comme un feuilleton de commande dans « L’oiseau Bleu », une revue créée pour les jeunes par la Société Saint-Jean-Baptiste. Ce premier récit, à l’écriture novatrice, raconte l’histoire de deux orphelins français embarqués clandestinement pour la Nouvelle-France.

Publié sous forme de livre en 1923, ce premier titre sera suivi de cinq autres mettant en scène ces mêmes personnages et qui paraîtront jusqu’en 1940. Plusieurs autres titres pour la jeunesse dont des contes de fées seront publiés pendant la même période. L’objectif est autant d’édifier, de vulgariser des connaissances historiques que de divertir. On y défend l’idéal français à une époque où l’influence du cinéma et des magazines américains est grandissante. Ces ouvrages, qui conviennent aux instances gouvernementales autant qu’au clergé, seront largement diffusés.

La bibliothécaire professionnelle

Restée célibataire, comme de nombreuses femmes professionnelles de son époque, Marie-Claire Daveluy s’est dite prédestinée à la carrière de bibliothécaire dès son plus jeune âge⁴. Formée à l’Université McGill, elle travaille de 1917 à 1944 à la Bibliothèque de Montréal⁵. Elle fera de la défense de la lecture et du dévouement pour autrui un devoir de toute une vie et, de sa profession, un apostolat. Pour elle, les bibliothécaires sont des « femmes patriotes qui doivent s’unir pour la race ». Aux antipodes de l’œcuménisme littéraire d’Éva Circé-Côté, autre bibliothécaire québécoise de renom avec qui elle travaille pendant quelques années, elle souscrit à la censure et défend l’importance des lectures religieuses tout en contribuant à la fondation de bibliothèques populaires pour les enfants⁶.

Pionnière de la normalisation du catalogage et du classement au Québec, elle laisse aussi une influence durable dans le paysage de la bibliothéconomie québécoise en contribuant activement à le professionnaliser. Chef du catalogue à la Ville de Montréal de 1930 à 1941, elle fonde, en 1937, l’école de bibliothéconomie de l’université de Montréal afin de former des « bibliothécaires de carrière tant laïcs que religieux ». Elle assumera la direction conjointe des 10 premières années de cette école avec Ægidius Fauteux, puis avec Léo-Paul Desrosiers. En 1943, elle contribue aussi, avec les pères Paul-aimé Martin et Paul-Albert Trudeau, à fonder l’Association canadienne des bibliothécaires d’institutions (ACBI), la première association de bibliothécaires de langue française, qui deviendra bien plus tard l’ASTED.

« La forêt est maintenant défrichée en bibliothéconomie canadienne, les pionniers ont à peu près achevé leur œuvre. Que les jardins apparaissent avec leurs artistes et leurs techniciens et surtout avec leurs riches et constantes floraisons. » — Marie-Claire Daveluy (1948)⁷

Retraitée à partir de 1944, elle poursuit son travail d’écriture et sa contribution à la profession tout rédigeant, entre 1943 et 1947, près d’une centaine de sketches sur l’histoire du Canada pour l’émission Radio-Collège de Radio-Canada. Elle meurt, en janvier, à 87 ans, quelques mois avant mai 1968.

Domaine public

Au Canada, toute l’œuvre de Marie-Claire Daveluy appartiendra au domaine public dès le 1er janvier 2019.

L’essentiel de ses archives sont conservées à Bibliothèque et archives Canada. Ses œuvres figurent au catalogue de BAnQ. Un seul de ses ouvrages, publié en 1936, y a déjà été numérisée (Sœur Mathilde de la Providence). Plusieurs de ses parutions dans la presse sont aussi accessibles en ligne sur le site de BAnQ dont la première parution en feuilleton des « Aventures de Perrine et Charlot » dans « L’oiseau Bleu ».

Cinq de ses œuvres sont accessibles via Internet Archives :

• Jeanne Mance (1919, planche illustrée par Rita Mount, une autre pionnière de la professionnalisation des femmes qui a fait l’objet d’une notule dans ce calendrier). ▶
• Marie Rollet : la première Canadienne (1919, planche illustrée).
• Les aventures de Perrine et Charlot (1923).
• La captivité de Charlot (1924).
• Le Cœur de Marguerite Bourgeoys : pièce en un acte (1948 ?).

Œuvres (sélection)

• Aux feux de la rampe (rétrospective théâtrale), Bibliothèque de l’Action française, 1927.
• Histoire de l’orphelinat catholique de Montréal, Albert Lévesque, 1933.
• Jeanne Mance, 1606-1677, Albert Lévesque, 1934.
• Le Richelieu héroïque : Les jours tragiques de 1837, Librairie Granger Frères, 1940.

En littérature jeunesse

• Les aventures de Perrine et Charlot, Bibliothèque de l’Action française, 1923.
• La captivité de Charlot, Librairie Granger Frères, 1924.
• Le filleul du roi Grolo suivi de La médaille de la Vierge, Bibliothèque de l’Action française, 1926.
• Sur les ailes de l’oiseau bleu : L’envolée féerique, Albert Lévesque, 1936.
• Une révolte au pays des fées, Albert Lévesque, 1936.
• Charlot à la « Mission des martyrs », Librairie Granger Frères, 1938.
• L’idylle de Charlot, Librairie Granger Frères, 1938.
• Michel et Josephte dans la tourmente Librairie Granger Frères, 1940.
• Le mariage de Josephte Précourt : Dix ans plus tard, Montréal, Librairie Granger Frères, 1940.
• Perrine et Charlot à Ville-Marie suivi de Le cœur de Perrine, Librairie Granger Frères, 1940.

Sources et références

• Louise Bienvenue, -« Il y a cent ans, une première femme entrait à la Société historique de Montréal : Marie-Claire Daveluy (1880- 1968) », histoireengagee.ca
• Marie-Hélène Grivel, « Créer une littérature nationale au Québec : l’impact des textes de Marie-Claire Daveluy, de la presse aux sagas », Strenæ, 11 | 2016, mis en ligne le 20 octobre 2016.
• Marie-Claire Daveluy. « L’Écoles de bibliothécaires : son histoire, ses buts, ses initiatives », Lectures : revue mensuelle de bibliographie critique, vol. III, no 5, janvier 1948, p. 309.
• Johanne Biron, « L’influence d’une bibliothécaire-bibliographe et sa foi en sa profession : la carrière de Marie-Claire Daveluy (1880-1968) », communication prononcée dans le cadre du colloque Pour une histoire des femmes bibliothécaires au Québec, Grande Bibliothèque, Montréal, 23 novembre 2018 (article à paraître)
• Marie-Claire Daveluy (Wikipedia)

1. Un aperçu de son positionnement délicat de féministe catholique peut-être trouvé dans l’article « Glanures féministes« , paru dans revue La Bonne parole, en août 1913.
2. Source: Louise Bienvenue, ibid (voir Sources et références).
3. Marie-Hélène Grivel, ibid (voir Sources et références).
4. Elle décrit cette prédestination comme une « pré-carrière », datant son amour de la lecture et des livres dès 1887, année où elle avait su lire, et ses émotions ultérieures à 6 ou 7 ans, à lire les images d’Épinal exposées dans la vitrine d’un libraire à l’angle des rues Sainte-Catherine et Saint-Denis (« Ma carrière », La Bonne parole, mars 1947, p. 5).
5. On trouve une description de l’inauguration de la Bibliothèque de Montréal et un récit sensible de la façon dont elle vécut, dans cette « bookless library » des « heures sombres, oui, heures désolées, à côté des grandes heures trop rares, soucis humiliants, pénible incompréhension » et plusieurs portraits de ses collègues de travail dans la seconde partie de l’article « Ma carrière », paru en avril 1947.
6. Johanne Biron, ibid (voir Sources et références).
7. Marie-Claire Daveluy in Lectures, ibid (voir Sources et références).

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