Professeure, auteure, philosophe et confĂ©renciĂšre dâorigine française nĂ©e en 1899. En 1924, elle fonda lâĆuvre des FrĂšres et SĆurs de Saint-Jean avec Vladimir Ghika puis se dirigea vers lâenseignement et la pĂ©dagogie. Au cours des annĂ©es 1940, elle entreprend avec des collĂšgues enseignantes de grandes expĂ©riences pĂ©dagogiques fĂ©minines dans des Centres de Jeunesse en France. Ces nouvelles mĂ©thodes pĂ©dagogiques visaient Ă amĂ©liorer lâapport culturel dans lâapprentissage des jeunes filles en sâassurant quâun apprentissage technique ne soit pas seulement basĂ© sur le savoir-faire, mais aussi sur le savoir-penser.
Dans un rĂ©cit autobiographique, La corde raide: mon journal des temps difficiles, Durand relate ses aventures lors de lâinvasion et de lâoccupation de la France par les Allemands Ă Limoges et Paris entre 1943 et 1945. Elle Ă©tait alors dĂ©lĂ©guĂ©e des Moissons Nouvelles, un organisme dĂ©diĂ© Ă la formation professionnelle fondĂ© par la Jeunesse OuvriĂšre ChrĂ©tienne (JOC).
Bien que travaillant surtout en France, Suzanne-Marie Durand sâest aussi intĂ©ressĂ© Ă ce qui se passait au QuĂ©bec avec lâĂ©ducation des jeunes filles. Elle sâintĂ©ressa particuliĂšrement aux Instituts Familiaux, des Ă©coles oĂč lâont « dispense aux jeunes filles ĂągĂ©es de 16 Ă 20 ans une formation intĂ©grale typiquement fĂ©minine, et qui sâadresse Ă tout lâĂȘtre, lâĂąme, lâesprit, le cĆur, le corps, dans une ambiance non seulement spiritualiste, mais chrĂ©tienne Ă cent pour cent ». Elle consacra trois ouvrages aux rĂ©alitĂ©s canadiennes en Ă©ducation.
Au printemps 1957, elle vint faire une tournĂ©e au QuĂ©bec afin dây prĂ©senter, en collaboration avec les Instituts familiaux, une sĂ©rie de confĂ©rences portant sur lâĂ©ducation fĂ©minine. Elle Ă©tait alors Directrice pĂ©dagogique de « CarriĂšres fĂ©minines sociales » Ă Paris et dĂ©lĂ©guĂ©e du gouvernement français au Proche Orient. Elle venait dâailleurs de terminer une mission culturelle au Liban et en Jordanie.
Au dĂ©but des annĂ©es 1960, elle revient au QuĂ©bec afin de donner des confĂ©rences portant sur la « connexion entre fĂ©minitĂ© et formation religieuse des jeunes femmes ». Ă lâĂ©poque, elle sâinquiĂšte de lâĂ©volution des jeunes filles Ă une Ă©poque oĂč les aspirations et les rĂŽles Ă©taient en plein bouleversement. La perte des valeurs familiales et des rĂŽles propres Ă la femme sont des sujets qui la prĂ©occupent vraisemblablement. PrĂ©occupations quâelle exprime Ă de nombreuses reprises dans son ouvrage de 1961, FĂ©minitĂ© et formation chrĂ©tienne :
« La jeune fille dâaujourdâhui, trop souvent masculinisĂ©e par les Ă©tudes ou le travail, apparaĂźt souvent comme une femme dĂ©formĂ©e et tronquĂ©e. Ses immenses virtualitĂ©s ne sont pas mises Ă jour ; au lieu dâĂȘtre actualisĂ©es normalement, harmonieusement, elles sâatrophient. Et nous voyons une jeunesse hardie, durcie, garçonniĂšre qui, souvent, nâayant plus conservĂ© les grĂąces de la fĂ©minitĂ©, cultive en compensation une sexualitĂ© brutale sur laquelle mieux vaut ne pas insister ici ». p.29
La perte de croyance, la sĂ©cularisation de lâĂtat et de lâenseignement et le terreau fertile qui prĂ©parait la jeunesse Ă Mai 68 en France et Ă la RĂ©volution tranquille au QuĂ©bec faisaient en sorte que la jeunesse du dĂ©but des annĂ©es 1960 semblait se diriger vers sa perte selon Durand. Toujours dans FĂ©minitĂ© et formation chrĂ©tienne, elle lance un avertissement, la jeunesse est en danger :
« Comment annoncer la Bonne Nouvelle, comment, par exemple, supposer que pourront ĂȘtre entendues et vĂ©cues les bĂ©atitudes Ă©vangĂ©liques Ă qui est convaincu, pratiquement, que lâidĂ©al de la vie humaine est libertĂ© sans frein, exhibition de soi, laisser-aller dans le confort et la jouissance, poursuite effrĂ©nĂ©e de lâargent ? ⊠La Parole de Dieu nâa pas plus dâadhĂ©rence Ă une telle mentalitĂ© que le ciment coulĂ© sur du bois, ou quâune greffe vivante insĂ©rĂ©e dans un arbre mort oĂč ne circule aucune sĂšve. » p.121
La jeunesse de l’aprĂšs-guerre, la gĂ©nĂ©ration des baby boomers, n’aura certes pas Ă©voluĂ© comme l’aurait voulu Suzanne-Marie Durand. Les jeunes femmes se sont, en grande partie, libĂ©rĂ©es des rĂŽles traditionnels et contraignants liĂ©s aux tĂąches domestiques et aux rĂŽles d’une « bonne Ă©pouse » et on ne s’en plaindra pas!
Domaine public
Toute lâĆuvre de Suzanne-Marie Durand appartiendra au domaine public dĂšs le 1er janvier 2018.
- Durand, S.-M. (1945). Humanités ouvriÚres et culture féminine : expériences et plans de travail. Paris: Spes.
- Durand, S.-M. (1949). Ăducation fĂ©minine : chemins nouveaux. Paris: LâAuteur.
- Durand, S.-M. (1951). La corde raide : mon journal des temps difficiles. Paris: Les Cahiers du nouvel humanisme.
- Durand, S.-M. (1956). Mes amis de Saint-Cézaire. Histoires véridiques du pays du soleil. Paris: Librairie des Saints-PÚres.
- Durand, S.-M. (1957). Enseignement concentrique : Ă©ducation vitale. Paris: Casterman.
- Durand, S.-M. (1957). Canadiens, mes amis! QuĂ©bec: Ăditions du PĂ©lican.
- Durand, S.-M. (1958). Ăducation fĂ©minine intĂ©grale au Canada : les instituts familiaux. Bruxelles: Centre international d’Ă©tudes de la formation religieuse.
- Durand, S.-M. (1958). Les Instituts familiaux canadiens : une merveilleuse réussite internationale. Québec.
- Durand, S.-M. (1959). Vie. Choix de textes. Paris: Casterman.
- Durand, S.-M. (1961). FĂ©minitĂ© et formation chrĂ©tienne. QuĂ©bec: Ăditions du PĂ©lican.
- Durand, S.-M. (1961). Pour ou contre l’Ă©ducation nouvelle? : essai de synthĂšse pĂ©dagogique. QuĂ©bec: Ăditions du PĂ©lican.
- Durand, S.-M. (1962). Vladimir Ghika, prince et berger : souvenirs vécus : Roumanie-Auberive. Tournai: Casterman.
Références
- Le ProgrĂšs du Golfe, 10 mai 1957 – http://collections.banq.qc.ca/ark:/52327/2476674
- Le ProgrĂšs du Saguenay, 16 mai 1957 â http://collections.banq.qc.ca/ark:/52327/2620478
- La Presse, 16 mai 1957 – http://collections.banq.qc.ca/ark:/52327/2877583